L'Afrique, avec son immense retard en terme d'infrastructures et d'équipement informatique, passe directement à l'âge du «tout mobile», notamment pour accéder à internet et aux services bancaires, et laisse entrevoir des perspectives de croissance à court terme uniques au monde.

«L'Afrique est le dernier marché émergent. La Chine, l'Inde, ont déjà émergé. Il ne reste que l'Afrique, et le potentiel de croissance est là», s'enthousiasme Nicolas Regisford, dirigeant de la société sud-africaine Mi-Fone, fabricant de téléphones portables à bas coût.

Le continent, selon une étude publiée en novembre par GSMA (un groupement professionnel d'opérateurs), «est maintenant le deuxième marché mondial du mobile, derrière l'Asie, en terme de connections. Et c'est le marché qui connaît la croissance la plus rapide dans le monde».

Le nombre d'abonnés aux services mobiles y progresse de 20% par an, selon GSMA, et atteindra 735 millions fin 2012, pour une population estimée à un peu plus d'un milliard d'habitants.

Du coup, l'optimisme est de mise chez les industriels du secteur. «Samsung s'attend à un chiffre d'affaires de 15 milliards de dollars en Afrique en 2015», affirme par exemple Gavin Clare, représentant de la firme au Zimbabwe.

Même confiance chez Nicolas Regisford, qui vise la clientèle populaire avec des appareils à moins de 100 dollars: «Le segment inférieur du marché n'est pas intéressant pour les grandes marques, mais c'est là que se trouve la grande masse des consommateurs. Si nous vendons à 5% d'un milliard d'Africains, c'est ok pour nous»!

Paradoxalement, notent les experts, c'est le défaut d'infrastructures traditionnelles, lignes fixes, ordinateurs, système bancaire ou distributeurs d'argent, qui constitue l'un des moteurs majeurs de cette croissance africaine.

«Le continent est prêt à sauter toutes ces étapes pour se mettre immédiatement à l'internet mobile, à la communication mobile et à l'argent mobile», pronostique Tomi Ahonen, consultant international et expert des systèmes mobiles.

Le Kenya, par exemple, est déjà le premier pays au monde, relativement au PIB, en terme d'utilisation des services financiers mobiles. Près de 18 millions de personnes y utilisent le téléphone portable pour déposer, transférer de l'argent, ou payer des factures.

Autre atout du marché africain: il est assis sur des valeurs sûres.

Alors que l'économie des mobiles en Europe ou aux États-Unis se construit autour des applications, dont très peu seront finalement rentables, l'univers du mobile en Afrique est «bâti autour des services de base, la téléphonie vocale et le sms. C'est un modèle économique nettement plus réaliste et solide», souligne M. Ahonen, venu animer un séminaire sur le sujet à Johannesburg fin novembre.

Les analystes partagent l'optimisme ambiant, mais notent qu'il reste un frein à l'explosion du marché: les taxes sur le matériel et les contrats souvent très élevées imposées par les gouvernements.

Selon GSMA, «la suppression d'une taxe de 16% sur les ventes de mobiles au Kenya en 2009 a provoqué une augmentation des ventes de 200%».

À l'échelle du continent, l'industrie du mobile contribue au PIB à hauteur de 56 milliards USD, soit 3,5%.

Mais l'impact réel sur la croissance est probablement plus élevé encore. «Le développement local des télécommunications a un effet direct sur l'économie», assure ainsi Nicolas Regisford, «le mobile est un outil de travail. Les artisans, les commerçants, ont un besoin criant d'être connectés pour faire du business».

Selon de récentes études d'institutions financières portant sur les pays en développement, chaque fois que le taux de pénétration des mobiles y augmente de 10%, le PIB progresse de 0,81%.