Entré dans l'usage quotidien de façon spectaculaire, le téléphone cellulaire a sans contredit changé notre vie de plusieurs manières. Pourrions-nous nous en passer?

Magda Fusaro étudie l'objet depuis 20 ans. La chaire UNESCO-Bell en communication et développement international de l'UQAM, dont elle est la titulaire, vient de mener à terme une étude auprès plus de 2000 Canadiens, afin de mieux comprendre leur relation à l'objet.

Avec des prix plus accessibles qu'avant et des performances techniques accrues, le cellulaire a investi toutes nos relations, note Magda Fusaro. «Il y a eu une hybridation des sphères publiques et privées et elle se traduit généralement par un abandon de la ligne fixe», affirme la chercheuse, qui note que près de 30% des Canadiens ont déjà laissé tomber leur ligne résidentielle au profit d'un seul appareil, le téléphone cellulaire.

Cette hybridation se remarque particulièrement chez les adolescents, qui se sont approprié le téléphone comme ils investissent parfois leur chambre. L'appareil est devenu partie prenante de leur espace privé et participe à la vie sociale comme jamais.

«Dans la génération des 17-25 ans, voire jusqu'à 35 ans, que l'appel rentre sur le cellulaire ou sur le téléphone fixe, les jeunes veulent avoir l'appel. Ne pas l'avoir, c'est ne pas faire partie de la communauté. C'est être débranché. Ils veulent constamment être connectés», observe Magda Fusaro.

Cette connexion ininterrompue fait en sorte que le téléphone cellulaire devient un «objet de surveillance». La chercheuse se préoccupe d'ailleurs du fait que les gens font peu de cas de la surveillance qu'induit le fait d'avoir un téléphone sur soi en tout temps.

«Le facteur anxiogène a changé: ce qui fait peur, ce n'est pas d'être surveillé, c'est de rater l'appel. On se veut tellement connectés, tellement ouverts...», constate la chercheuse, qui possède un téléphone «de base».

«J'aime observer les changements que le téléphone induit, mais je n'aime pas me faire transformer par lui!»

Car changement il y a. «Il n'y a pas si longtemps, on voyait le cellulaire comme un objet à l'extérieur de nous. Maintenant, il fait partie de nous.»

De là à dire que nous sommes en amour avec nos téléphones, comme l'a soutenu récemment un chercheur américain, il y a un pas que Magda Fusaro hésite à franchir. Dans les entrevues qu'elle a menées dans le cadre des recherches, certains ont admis être en amour avec leur téléphone ou se sentir «nus» lorsqu'ils ne l'ont pas.

«Mais on pourrait enlever le téléphone à tous ces gens. Il y aurait un sevrage d'une semaine, mais après, je pense qu'ils s'adapteraient.»

Selon Magda Fusaro, ce n'est pas l'objet que l'on affectionne, mais l'accessibilité à l'ensemble des données qu'il offre et le sentiment d'importance qui découle du fait d'être connecté.

«Je fais le pari qu'on peut enlever le cellulaire à une partie de la population, et il n'y aurait pas mort d'homme!», conclut-elle. Des volontaires pour faire le test?