Les grands fournisseurs nord-américains de services sans fil, comme Telus, commencent à mettre en marché les premiers appareils compatibles avec leurs réseaux 4G. Cette expression, qui s'applique théoriquement à des technologies sans fil « de quatrième génération », est trompeuse, déplorent certains experts. Selon eux, elle est utilisée à tort pour décrire une simple évolution des réseaux 3G actuels.

Le mois prochain, Telus lancera officiellement son premier appareil mobile 4G. Il s'agit d'une carte réseau pour PC, de la société Sierra Wireless. Le fournisseur de l'Ouest canadien a mis en place une évolution de son réseau 3G doublant sa capacité de transmission de données, la faisant passer d'un maximal théorique de 21 mégabits/seconde, au double (42 Mb/s). Telus vise ainsi à attirer une clientèle de plus en plus gourmande en matière de téléchargement de données mobiles.

La technologie utilisée par Telus est appelée HSPA+ Double Cell. Il s'agit d'une étape de plus vers le déploiement d'une autre technologie sans fil, appelée Long Term Evolution, ou LTE. Pour Telus, c'est une façon de rester dans la course, ses rivaux Bell et Rogers ayant eux aussi l'intention d'investir massivement dans la technologie 4G, au cours des prochaines années.

Les réseaux LTE ont toujours été perçus comme la prochaine grande évolution dans le sans-fil, et ce sont à eux que fait référence la « quatrième génération » des réseaux, aussi appelée technologie 4G.

Au Canada, le coûteux déploiement de la technologie LTE dépendra grandement de deux choses : la volonté du gouvernement de déréglementer l'investissement étranger dans les télécommunications, et la mise à l'enchère, en 2012, de nouvelles fréquences sans fil. Selon l'industrie, on n'attend donc pas les premiers réseaux 4G nationaux avant 2014, au bas mot.

Que Telus utilise cette même expression pour qualifier sa technologie actuelle, appelée HSPA+ Double Cell, semble trompeur aux yeux de certains. Anthony Hémond, porte-parole de l'Union des consommateurs et proche observateur du secteur des télécommunications, est catégorique : « C'est de la pub », dit-il. Dans l'industrie, rappelle Me Hémond, on a plutôt tendance à qualifier le HSPA+ de technologie 3,5G, soit d'une évolution à mi-chemin entre les premiers réseaux 3G, et les éventuels réseaux LTE de prochaine génération.

Simple publicité ou norme assouplie?

Telus n'est pas seule à jouer sur les mots. Aux États-Unis, T-Mobile parle aussi de son réseau HSPA+ comme d'un réseau 4G. Pour elle, l'enjeu est plus important : Clearwire, Sprint et Verizon ont déjà déployé des antennes LTE ou Wimax, deux formes de réseaux 4G, dans certains grands centres.

Inutile de dire que ça crée beaucoup de confusion, brouillant ce qui semblait auparavant une conception simple de la technologie sans fil. Les réseaux HSPA et EV-DO, respectivement mis en service au Canada par Rogers-Fido et le duo Bell-Telus il y a déjà quelques années, sont une technologie de troisième génération, alias 3G.

L'arrivée du iPhone 3G au Canada, notamment, a poussé ces deux derniers à reconsidérer leur technologie, investissant massivement dans une technologie similaire à celle de Rogers afin de pouvoir vendre l'iconique téléphone d'Apple. La technologie alors mise en place est une évolution du HSPA, tout simplement appelé HSPA+. Au Québec, Vidéotron a mis en place son propre réseau HSPA+, sur une bande de fréquences toutefois limitée, incompatible avec les iPhone actuellement en marché.

Il y a un an, la question ne se posait pas : ces réseaux ne sont pas du 4G. L'International Telecommunications Union (ITU), organisme international de l'industrie du sans fil qui se décrit comme « l'ONU des communications sans fil », et qui définit les normes d'industrie comme le 3G et le 4G, était clair à ce sujet.

Or, voilà : à la fin 2010, l'ITU a revu l'affaire, estimant que toute amélioration substantiellement de la capacité d'un réseau peut être qualifiée de nouvelle génération. Depuis, elle considère à peu près tout comme du 4G.

Évidemment, ça fait l'affaire des fournisseurs, mais les critiques sont nombreuses. ABI Research, une firme d'analyse spécialisée, a récemment dénoncé ce changement de terminologie. Selon son analyste Philip Solis, le HSPA+ est « une technologie de réseaux très bonne et très rapide, mais ça demeure tout de même une technologie 3G. »

L'analyste demeure toutefois nuancé : pour le consommateur, la nature de la technologie ne fait aucune différence. L'important, c'est que le réseau soit assez rapide pour suffire à ses besoins. On en conclut donc que le reste, comme ce que fait actuellement Telus au Canada, n'est que pur marketing.

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