Isabelle Toundjian n'était pas des plus heureuses l'an dernier quand son ex-conjoint a offert à leur fille de 11 ans un téléphone cellulaire.

«Certains de ses amis en avaient un et c'est un désir qu'elle avait. Personnellement, je ne voyais pas l'utilité de l'équiper d'un téléphone cellulaire», dit celle qui a été forcée de gérer l'utilisation qu'en faisait sa fille.

Enfant d'une génération numérique, la jeune Émilie a tôt fait de comprendre comment son iPhone fonctionnait. Aujourd'hui, elle s'en sert principalement pour envoyer des textos à ses amis et, «dans 1% des cas», à appeler sa mère pour dire où elle se trouve.

Les jeunes Québécois sont de plus en plus adeptes des cellulaires: selon une enquête du Centre francophone d'informatisation des organisations (CEFRIO) dévoilée l'an dernier, 4 jeunes sur 10 âgés de 12 à 17 ans possèdent leur propre téléphone portable.

À l'heure de la rentrée, force est de constater que le téléphone cellulaire sera cette année un accessoire de choix aux côtés des crayons et cahiers.

Mais que faire devant un enfant qui réclame un téléphone cellulaire à grands cris?

Au Réseau Éducation-Médias, on croit en tout cas qu'il faut savoir dans quoi on se lance. «Un des grands problèmes avec les téléphones cellulaires et les jeunes, c'est l'abus, dit Matthew Johnson, directeur de l'éducation au sein de l'organisme. Les téléphones cellulaires sont difficiles à superviser. On peut penser que notre enfant dort dans sa chambre quand, en fait, il envoie des messages textes.»

Ces problèmes, Isabelle Toundjian les a vécus. L'an dernier, elle a dû confisquer l'iPhone de sa fille pendant un mois quand ses notes à l'école se sont mises à dégringoler. «Ça a ralenti ses ardeurs», dit-elle.

Maintenant que sa fille entre au secondaire et doit prendre l'autobus pour se rendre à l'école, Isabelle Toundjian voit les avantages du cellulaire. Mais un iPhone au primaire, c'était trop tôt, dit-elle. «Ce n'était qu'une distraction de plus pour ma fille et ça m'a causé des problèmes.»

Fixer des limites

En général, ce sont les parents qui achètent les cellulaires de leurs enfants. «Il y a eu des études intéressantes aux États-Unis qui montrent que plus votre famille est à l'aise financièrement, plus les chances sont grandes que ce soit les parents qui achètent le cellulaire des enfants. À l'inverse, les jeunes issus de familles moins riches paient plus souvent leurs cellulaires», dit Matthew Johnson.

Le psychologue Marc Pistorio croit que les parents doivent évaluer la maturité de leurs enfants avant de leur mettre un cellulaire dans les mains. Il estime qu'il serait préférable d'attendre le début de l'adolescence avant d'acquiescer à la demande d'un enfant qui désire un cellulaire.

«Il ne faut pas travailler à ce que les jeunes n'aient pas de cellulaire, ça n'aurait pas de sens. Il est préférable de les éduquer plutôt que de les empêcher», dit-il. Un jeune de 15 ans à qui l'on refuse obstinément un cellulaire «par principe» pourrait être marginalisé au sein de son groupe, croit-il. «À cet âge, on a besoin de faire partie d'un groupe. Il faut répondre au besoin de son enfant en fonction de la société dans laquelle on vit. Le jeune fait partie d'une société qui a ses codes», dit Marc Pistorio.

Mais malgré la pression sociale, les parents doivent se souvenir qu'avoir un téléphone cellulaire n'est pas un droit fondamental.

«Il est important que les parents réalisent qu'ils ont toujours le droit de dire non, dit Matthew Johnson du Réseau Éducation-Médias. Mais quand on voit à quel point les téléphones cellulaires sont répandus, c'est certain que ça devient difficile.»