Le modèle très particulier de distribution des téléphones portables en vigueur aux Etats-Unis, où les détaillants sont les opérateurs, pourrait bientôt changer, alors que les accords d'exclusivité entre compagnies de téléphone et fabricants commencent à être remis en cause.

Prenant les devants, le numéro un de la téléphonie mobile Verizon a annoncé vendredi qu'il limitait désormais la portée des accords le liant à ses fournisseurs: par souci d'"équité" pour ses concurrents plus petits, seuls bénéficiaires de sa décision, il ne conclura plus aucun accord d'exclusivité de plus de six mois.

Cette initiative intervient alors qu'une commission spécialisée de la Chambre des représentants envisage de légiférer pour garantir la concurrence dans la téléphonie mobile, que l'ancien candidat à la présidentielle John Kerry a appelé la Commission fédérale des communications (FCC) à se pencher sur la question et que, selon des informations de presse, les autorités de la concurrence enquêtent déjà.

Aux Etats-Unis, les appareils téléphoniques s'achètent presque uniquement auprès des opérateurs, dont certains bénéficient grandement de l'exclusivité dont ils disposent auprès de certains fabricants.

"A cause de ces accords d'exclusivité, huit des 10 modèles les plus populaires ne sont disponibles que sur un seul réseau", affirmait lors d'une récente audition parlementaire Chris Murray, un juriste de l'Union des consommateurs.

En revanche "les petits opérateurs n'ont pas la puissance de marché et la possibilité de faire des campagnes marketing nationales" intéressantes pour les fabricants.

"C'est un cercle vicieux. Les petits opérateurs ne peuvent pas obtenir les appareils novateurs, donc ne peuvent pas grandir, tandis que les gros obtiennent des exclusivités leur permettant de grandir encore", résumait M. Murray.

De fait, les bénéfices d'AT&T sont portés depuis deux ans par le succès de l'iPhone d'Apple, et Sprint, en perte de vitesse, compte lourdement sur un succès du nouveau Pre de Palm. Verizon a l'exclusivité sur certains des modèles les plus performants de BlackBerry (de Research in Motion), tandis que T-Mobile a été choisi comme opérateur exclusif du premier appareil fonctionnant sous le système d'exploitation Android de Google.

Ces quatre opérateurs, qui contrôlent 90% de la téléphonie mobile (60% pour Verizon et AT&T), financent une partie du coût de ces appareils en échange d'un abonnement, le plus souvent de deux ans, et le plus souvent onéreux dans la mesure où ces appareils, véritables ordinateurs miniatures, sont gourmands en transmission de données.

Les rares modèles de pointe vendus sans accord d'exclusivité, comme le N97 de Nokia, gardent un prix prohibitif (récemment ramené de 699 à 599 dollars, contre 99 dollars pour le modèle d'entrée de gamme de l'iPhone).

John Kerry a indiqué qu'il voulait que la FCC vérifie si "les accords d'exclusivité limitent l'accès des consommateurs aux technologies les plus avancées", et "gênent la possiblité des opérateurs plus petits d'être concurrentiels", voire s'ils "découragent l'innovation dans les téléphones portables".

Verizon, admettant la validité des arguments concernant ses concurrents les plus modestes, défend en revanche les accords d'exclusivité comme un dispositif dans lequel consommateurs, fabricants et opérateurs seraient gagnants.

"Quand nous avons l'exclusivité sur un modèle nous passons généralement commande de centaine de milliers, voire de millions d'appareils", a expliqué le directeur général de Verizon Lowell McAdam dans une lettre ouverte à des parlementaires - de quoi assurer un débouché pour les fabricants, et les motiver pour investir dans le développement de nouveaux produits suffisamment séduisants pour ne pas créer de stocks d'invendus chez les opérateurs-revendeurs.

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