Un nouveau venu dans le secteur du sans-fil promet d'offrir dès septembre des forfaits illimités à 40$ par mois à Montréal et Toronto. La société pourrait toutefois être victime de son succès et vite devoir modifier sa stratégie, avertit un analyste.

Public Mobile, de Toronto, a dévoilé hier les grandes lignes de son plan d'affaires, dont l'argument principal est le service illimité à prix fixe. Selon Jonathan Allen, de RBC Marché des capitaux, l'offre rappelle en plusieurs points le forfait illimité «City Fido» proposé par Microcell en 2003. Une promo qui avait fait long feu...

«Ils ont été victimes de leur propre succès: ils ont subi une telle demande des consommateurs et un usage de minutes tellement intensif que ça a mis une pression sur la capacité du réseau, en plus de les forcer à faire des investissements massifs en capital», a rappelé M. Allen.

En entrevue à La Presse Affaires cette semaine à Montréal, Alek Krstajic, chef de la direction de Public Mobile, a juré que son entreprise garderait le cap sur sa stratégie de forfaits illimités à prix modéré. Peu importe ce qui a pu se produire avec Fido dans le passé.

«On compte sur vous, les journalistes, pour nous rappeler notre promesse si on change de plan de match dans un an», a-t-il lancé.

Fréquences orphelines

Public Mobile, qui s'appelait jusqu'à hier BMV Holdings, a acheté pour 52 millions de dollars de fréquences sans fil pendant l'enchère organisée le printemps dernier par Industrie Canada. Une somme assez minime, considérant que le processus a permis à l'État d'amasser 4,3 milliards au total. Vidéotron, par exemple, a dépensé 555 millions pour ses licences.

Les fréquences acquises par la Public Mobile sont classées dans le «bloc G», une catégorie jugée peu désirable par les géants du sans-fil. Aucun opérateur n'a jamais utilisé jusqu'à maintenant ce type de fréquences pour offrir un service sans fil à large échelle dans le monde, puisqu'on ne trouve pas d'appareils compatibles.

Or, l'entreprise a mandaté en décembre dernier une firme chinoise, ZTE, qui a conçu un logiciel permettant à la plupart des téléphones existants de fonctionner avec ce type de spectre, a affirmé M. Krstajic.

Public Mobile a tenu hier matin une conférence de presse à Toronto, où elle a effectué devant des journalistes des appels avec un appareil ZTE pour prouver que la technologie fonctionne.

«Tous nos compétiteurs ont dit que nous avions acheté du spectre inutilisable, sans aucun appareil compatible, mais nous voulons déboulonner ce mythe», a-t-il avancé.

Spectre orphelin

Le spectre sans fil du «bloc G» est en quelque sorte «orphelin», a expliqué l'analyste en télécoms Amit Kaminer, de la firme SeaBoard Group.

L'absence d'équipements compatibles explique la faiblesse du prix payé par Public Mobile pour les fréquences, selon lui. Mais si l'entreprise réussit à stimuler le développement d'appareils - ce qui semble être le cas avec celui de ZTE -, elle aura alors fait une très bonne affaire en payant seulement 52 millions pour ses fréquences, ajoute-t-il «L'affaire du siècle.»

La viabilité de Public Mobile soulève bien des doutes dans l'industrie, mais l'analyste estime que la nomination d'Alek Krstajic à la tête de l'entreprise en octobre est très rassurante. L'homme de 45 ans a travaillé pendant des années chez Rogers avant d'aboutir chez Bell en 2003, où il a pris la tête de la division Mobilité en 2005.

«Alek Krstajic représente un actif de taille pour la société, car il connaît bien les limites des joueurs dominants Bell et Rogers en termes de budget, de capacité et de mentalité», selon M. Kaminer.

Le grand défi de Public Mobile sera maintenant de trouver une technologie fiable, poursuit-il. «Au moindre pépin, ils seront montrés du doigt.»

Le groupe compte offrir dès septembre un service sans flaflas, limité à la conversation vocale et à la messagerie texte. Il sera d'abord lancé à Montréal et Toronto, pour ensuite couvrir tout le corridor Québec-Windsor.

L'entreprise refuse de dévoiler ses ressources financières, se contentant de dire qu'elles atteignent «plusieurs centaines de millions». Le fonds de retraite ontarien OMERS y a notamment investi 50 millions le mois dernier.