Le PDG de Globalive avait très, très hâte à hier. À peine quelques heures après la fin d'une période de silence imposée par Industrie Canada, Anthony Lacavera a exposé comment son entreprise tentera de devenir le quatrième fournisseur sans fil au pays.

Globalive lancera un tout nouveau réseau dès la fin du printemps prochain et visera d'abord le marché du service prépayé, relativement abordable. La firme torontoise espère attirer 1,5 million de clients pendant ses trois premières années, puis 3,5 millions par la suite.

«On va cibler un segment de la population avec une offre économique et simplifiée, mais ce n'est pas tout ce que nous allons faire», a expliqué M. Lacavera pendant un entretien avec La Presse Affaires.

Comme une quinzaine de «nouveaux entrants», Globalive a réussi à mettre la main sur des licences sans fil pendant la récente enchère organisée par Industrie Canada. Le gouvernement veut forcer une concurrence accrue dans cette industrie multimilliardaire, dominée par Bell, Rogers et Telus.

Globalive a allongé 442 millions de dollars pour obtenir des fréquences partout au pays, sauf au Québec. Le groupe ouvre donc la porte à un partenariat avec Quebecor -qui a dépensé 556 millions en licences au Québec et à Toronto-, même si rien n'est encore joué.

«Nous avons le droit de communiquer entre nous seulement depuis aujourd'hui (hier), a souligné Anthony Lacavera. Nous allons certainement tenter de joindre Quebecor et toutes les entreprises qui ont obtenu des licences au Québec pour voir s'il y a moyen d'en arriver à une entente profitable aux deux parties.»

Quebecor a refusé de commenter la nouvelle hier. Le conglomérat fera une annonce dans quelques semaines pour exposer son propre plan d'affaires dans le sans-fil.

Investissements énormes

Ce qu'on sait pour l'instant, c'est que Globalive devra dépenser une somme colossale pour mettre sur pied son nouveau réseau. Près de 2 milliards en 10 ans, selon les prévisions actuelles.

Globalive cherche activement des investisseurs, mais elle peut d'ores et déjà compter sur son partenaire principal, le conglomérat égyptien Orascom Telecom, qui injectera entre 500 et 700 millions US d'ici quatre ans.

Orascom a fait hier une présentation à ses actionnaires pour expliquer l'énorme potentiel qu'elle entrevoit dans le marché canadien. Le taux de pénétration très bas, à 61%, laisse une grande place à la croissance, fait valoir le groupe.

Orascom suggère notamment de viser les 200 000 immigrants qui arrivent chaque année au Canada, de même que les communautés ethniques. Il s'agit d'un «segment important laissé en plan», selon l'entreprise.

Globalive devra aussi concentrer le gros de ses énergies sur les consommateurs «qui en veulent beaucoup pour leur argent», ajoute Orascom. Des gens sensibles au prix, en somme. Globalive ciblera en parallèle les Canadiens intéressés à des services plus évolués -et plus chers- offerts sur des téléphones intelligents.

Cette approche ne surprend pas l'analyste en télécoms Troy Crandall, de la firme MacDougall, MacDougall&MacTier. «On présume qu'ils vont viser le segment bas de gamme du marché, en se concentrant sur la voix avec des textos et du transfert de données de base.»

Cette stratégie se rapprochera de ce que fait déjà Globalive avec sa filiale d'interurbains à bas prix, Yak, a ajouté M. Crandall.

Atout majeur

Globalive bénéficie d'un atout énorme dans sa manche: le savoir-faire développé par son partenaire Orascom dans 40 pays. Le groupe égyptien exploite des réseaux sans fil en Algérie, au Pakistan, au Bangladesh et en Irak, notamment. Et il réussit à dégager de juteux profits avec un revenu mensuel moyen par abonné... de 6,60$US! En comparaison, le produit moyen s'établit à 55$CAN au Canada.

Orascom jouera un rôle «substantiel» dans l'élaboration du plan d'affaires de Globalive, dont plusieurs ficelles restent à attacher, a indiqué Anthony Lacavera. Le pouvoir d'achat et les contacts internationaux d'Orascom seront aussi très utiles pour acheter à bon prix l'équipement nécessaire à la construction du réseau.

Globalive a par ailleurs lancé un site web hier, wirelesssoapbox.com, où les Canadiens sont invités à partager leurs attentes face aux fournisseurs de téléphonie sans fil. L'entreprise étudiera les commentaires reçus en vue d'adapter son offre.

Iain Grant, analyste au SeaBoard Group, estime que l'échéancier présenté hier par Globalive est «agressif mais réalisable».

Jeffrey Fan, de la firme UBS, juge pour sa part que la prévision du nombre de nouveaux abonnés est peut-être «trop optimiste».

Le gouvernement fédéral a récolté 4,3 milliards grâce à l'enchère sans fil tenue le printemps dernier, trois fois plus que prévu. Une partie des fréquences a été réservée à de nouveaux fournisseurs, au grand dam de Bell, Rogers et Telus.