La société Apple n'a pas l'imposante présence de son rival Nokia dans le marché de la mobilité. Son impact se fait néanmoins sentir jusqu'au Canada, où son unique appareil mobile, l'iPhone, n'est même pas officiellement vendu. Car même ici, plus que le réseau ou que l'appareil, ce sont les services mobiles qui comptent. Et pour une fois, les PME pourraient empocher.

Les fonds d'aide

«L'effet iPhone est spectaculaire, mais c'est aussi l'effet de l'arrivée potentielle de nouveaux opérateurs au Canada, précise Rick Nadeau, analyste des télécoms pour Décima Research, à Ottawa. Avec le Fonds BlackBerry, RIM réagit à tout ça.»

Le Fonds BlackBerry, dévoilé lundi dernier, est doté d'une enveloppe de 150 millions de dollars. Il vise à financer le développement d'applications mobiles ciblant avant tout les appareils BlackBerry. Il est géré par JLA Ventures, dont les bureaux sont situés à Montréal et à Toronto, et dont l'un des administrateurs est Jim Balsillie, coprésident de RIM, fabricant du BlackBerry.

L'entreprise canadienne s'inspire en quelque sorte de son rival de la Silicon Valley, puisqu'Apple s'est associée à une firme américaine afin de créer le iFund, d'une valeur de 100 millions de dollars, qui doit venir en aide aux développeurs d'applications mobiles pour l'iPhone.

«Les services mobiles sont la marmite d'or au bout de l'arc-en-ciel, illustre Kevin Restivo, analyste pour IDC Canada. Il y a beaucoup de potentiel dans l'industrie mondiale du sans-fil et tout le monde veut sa part, des opérateurs de réseaux aux fabricants d'appareils.»

«C'est pourquoi des fabricants comme Apple, RIM ou Nokia veulent pouvoir offrir un guichet unique d'appareils et de services, ajoute M. Restivo. Les téléphones sont aujourd'hui devenus des plateformes de développement, comme le sont les PC.»

Le Canada en mode rattrapage

Malheureusement pour les développeurs d'ici, le Canada traîne la patte dans ce secteur, faute de pouvoir compter sur des réseaux sans fil à la fine pointe.

«La technologie arrive en premier, les modèles d'affaires arrivent ensuite. Et le Canada est en mode rattrapage à ce niveau», constate Marc Leclerc, d'Ericsson Canada, à Montréal.

M. Leclerc était invité à parler des enjeux de l'industrie mobile montréalaise, lundi dernier, dans le cadre de l'événement des Lundis mobiles montréalais. Tout comme Dany Savard, producteur de jeux vidéo pour EA Mobile, dont les bureaux sont aussi à Montréal. «Les opérateurs nous imposent des limites. Les applications doivent être petites et doivent faire avec une bande passante très limitée.»

En plus, cette guerre de plateformes, qui comprend des systèmes comme Symbian (Nokia, Sony Ericsson), BlackBerry (RIM), Windows Mobile (Microsoft) et l'iPhone, est un casse-tête pour les développeurs.

Mais c'est aussi l'occasion de signer des ententes avec l'un ou l'autre de ces fabricants. EA Mobile en a une avec Apple pour produire des jeux compatibles avec son iPhone, ainsi qu'avec ses baladeurs iPod. RIM, de son côté, espère arriver au même genre d'ententes en annonçant à la fois son programme de financement, et un nouvel appareil, le BlackBerry Bold, qui offre plus de fonctions que les modèles précédents.

Ententes

«On va voir de plus en plus d'ententes de ce genre-là, et même des acquisitions, par les fabricants et les opérateurs, de développeurs de services mobiles, estime Rick Nadeau, de Décima. Tant que les revenus par utilisateur sont à la hausse, ça va profiter à tout le monde dans l'industrie, dont les petites entreprises qui développent des services.»

Est-ce que ça pourrait permettre au Canada de combler son retard à ce niveau, par rapport à l'Europe et d'Asie? «RIM a été révolutionnaire avec ses premiers BlackBerry, et à cause (de la concurrence) du iPhone, elle doit faire la même chose avec les applications mobiles. C'est sûr que ça va faire avancer l'industrie canadienne», croit M. Nadeau.