«Raccroche et conduis!» En voyant cet autocollant installé sur un pare-chocs, Andrew McGarva a eu une idée. Le psychologue de l'Université d'État du Dakota du Nord a voulu vérifier si un automobiliste lambin qui parle au téléphone suscite plus d'impatience chez les conducteurs qui le suivent.

La réponse est claire et nette: oui, tant chez les hommes que chez les femmes.

«Les hommes ont tendance à klaxonner plus longuement et plus rapidement une personne qui conduit en dessous de la vitesse limite, ou qui ne démarre pas rapidement quand la lumière tourne au vert, explique M. McGarva en entrevue téléphonique. Les femmes, elles, lèvent les yeux au ciel et ont des expressions agressives sur le visage. L'effet est évident.»

L'expérience était divisée en deux sections: la conduite à 15 km/h dans des zones de 40 km/h et 65 km/h, et un délai de 15 secondes avant de démarrer à un feu vert.

À chaque fois, il y avait deux expérimentateurs: un qui conduisait, l'autre qui prenait des notes. Une caméra cachée captait l'expression du visage de l'automobiliste qui était juste derrière les expérimentateurs. En tout, 165 cobayes ont été filmés, la moitié alors qu'ils suivaient un automobiliste parlant au téléphone.

Ces résultats sont-ils transposables dans les villes?

«Je suis justement en train de chercher du financement pour le savoir, dit M. McGarva. En ville, il y aura soit un effet de désensibilisation, qui rendrait les automobilistes plus tolérants, ou alors une accumulation de stimuli qui leur donnerait la mèche courte. Je pense personnellement qu'il y aura encore plus d'impatience envers les utilisateurs de téléphones, à cause de la congestion et de l'anonymat. Il est démontré que plus il y a de personnes, plus il y a d'agressions: par exemple, si 40 personnes sont entassées dans un ascenseur. Et à Dickinson, où nous avons fait l'expérience, tout le monde se connaît - la ville ne compte que 17 000 habitants. Moi-même, qui n'habite ici que depuis 10 ans, j'ai reconnu trois des 50 cobayes que nous avons filmés. Si on klaxonne un lambin, on risque de se rendre compte qu'il s'agit de notre patron et qu'il n'est pas content.» Le manque d'anonymat compense amplement l'intolérance plus grande dans les petites villes envers les gens qui dévient de la norme, selon M. McGarva.

Le psychologue américain s'intéresse depuis des années à la conduite agressive. «C'est en bonne partie parce que je suis moi-même un conducteur agressif et intolérant. Je suis l'une des rares personnes qui n'a pas de téléphone portable, alors ça m'irrite profondément de voir ces étudiantes qui tiennent d'une main le téléphone, de l'autre un rouge à lèvres, et qui laissent le volant à lui-même, en avançant à un pas de tortue pour ne pas prendre le champ.»

Justement, la lenteur n'est-elle pas une manière de compenser la diminution de la capacité d'attention quand on parle au téléphone?

«Peut-être, mais ça n'empêche pas qu'on est un danger public. Cela dit, je vois parfois des gens rouler à tombeau ouvert tout en parlant au téléphone, et ça me sidère.»

Que se produit-il quand des lois obligent l'utilisation d'un dispositif mains libres?

«A priori, ça devrait atténuer un peu l'agressivité, parce qu'il est alors plus difficile de savoir si une personne utilise un téléphone. Particulièrement s'il s'agit d'un microphone. Mais encore là, c'est assez facile de voir qu'une personne parle au téléphone si elle est seule dans sa voiture. Disons que c'est un bénéfice imprévu de ce type de lois.»