Si vous avez ouvert un jeu vidéo récemment, il y a fort à parier que vous avez vu apparaître le logo de Unity. Cette plateforme utilisée par un développeur sur deux dans le monde, dont pratiquement tous les studios indépendants et les étudiants, est également l'un des secrets les mieux gardés de Montréal. Depuis cinq ans, la minuscule filiale a connu une croissance exponentielle.

Quelque 120 personnes travaillent aujourd'hui pour le bureau montréalais de Unity Technologies, ce qui en fait le quatrième en importance dans le monde, après le siège social de San Francisco, Copenhague et Seattle, mais devant Tokyo, Stockholm, Paris et Berlin. Fondée au Danemark en 2004, Unity Technologies compte 27 antennes dans le monde qui regroupent quelque 2000 personnes.

Fraîchement déménagée dans Pointe-Saint-Charles, dans de nouveaux locaux qui lui ont permis de tripler sa superficie à 4600 mètres carrés, la filiale montréalaise embauche activement et prévoit atteindre les 300 employés à moyen terme.

Il y a cinq ans à peine, le studio montréalais comptait trois personnes « qui travaillaient surtout de la maison », se rappelle André Gauthier, chef de studio et directeur du développement.

« On a doublé de taille chaque année. On devrait embaucher 50 ou 60 personnes l'année prochaine, mais c'est un peu difficile de donner un chiffre, on le sous-estime chaque fois... »

Unity, c'est ce qu'on appelle un « moteur de jeu », traduction littérale de l'anglais game engine, soit un ensemble de logiciels gratuit qui permet d'intégrer tout ce qui compose un jeu vidéo sans tout encoder à partir de zéro. « Unity, c'est la démocratisation, dit M. Gauthier. Ce n'est pas qu'un simple mot : ses fondateurs, à Copenhague, sont des gens de gauche qui ont tenu à mettre en place une culture très ouverte, pour en élargir l'accessibilité. »

C'est à l'amélioration de cette plateforme et de ses centaines de composants que travailles ses quelque 2000 employés dans le monde, dont ceux de Montréal, qui ont notamment développé une expertise dans les microjeux, qu'on trouve sur des appareils simples ou des réseaux sociaux, et la qualité visuelle.

Aves un simple go

La fondation du bureau de Montréal reflète bien la culture décentralisée et ouverte prônée par les fondateurs danois. En 2011, Unity Technologies a acheté un studio montréalais spécialisé en animation, Mecanim, qui a été le point de départ de la filiale. « Il y a cinq ans, j'ai parlé avec un des fondateurs de Unity. J'ai vraiment aimé ce que j'ai entendu, raconte M. Gauthier. Les moteurs de jeu se vendaient à coups de millions en royautés, eux le donnaient. J'ai avancé l'idée d'ouvrir un bureau à Montréal. Ils ont dit : "Go !" »

D'un petit bureau, rue Sainte-Catherine, Unity Technologies est passée à une superficie de quelque 1400 mètres carrés à la Cité du multimédia, rue Queen. Les nouveaux bureaux dans un édifice de Pointe-Saint-Charles très prisé des start-up, rue Richardson, permettront de réaliser les ambitions de l'entreprise, estime André Gauthier. On y a aménagé de grandes salles de formation, des aires de rencontre, une table de billard, des locaux pour l'allaitement, la prière ou la relaxation. Un traiteur vient même tous les midis préparer le dîner, offert gratuitement aux employés.

« On a de la place pour grandir. On veut ouvrir sur la communauté, être en contact avec les indépendants. »

Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, le chef de studio estime qu'il pourra convaincre plusieurs dizaines de professionnels de choisir Unity, qui propose un défi bien différent de celui des studios plus connus de jeux vidéo. « On n'est pas une boîte de production, mais un fabricant d'outils. On a une autre vibe, c'est très décentralisé, on doit faire preuve d'initiative tout en étant apte à la collaboration. C'est la plus belle job. »

unity3d.com

Visuels du moteur de jeu Unity.

unity3d.com

Visuels du moteur de jeu Unity.

UNITY, C'EST QUOI ?

Vers 27 plateformes

Peu connu du commun des mortels, même des joueurs qui ne font qu'apercevoir son logo au début d'une partie, Unity est une institution pour les développeurs. Ce « moteur de jeu » assemble des éléments artistiques en 2D et en 3D, permet d'y ajouter des éclairages, de l'audio et des effets spéciaux et d'en contrôler l'interactivité et les lois physiques. À partir d'un projet de base, on peut ensuite exporter le jeu sur 27 plateformes, notamment Android, iOS, Windows, les réseaux sociaux et toutes les consoles de jeux existantes. Bien que principalement utilisé pour le jeu vidéo, Unity est également mis à contribution au cinéma et dans certaines applications industrielles, notamment pour la simulation et la formation.

Gratuit

On estime que 1,1 million de développeurs l'utilisent sur une base mensuelle, et près d'une dizaine de millions sont enregistrés. Son modèle est particulier puisqu'on peut le télécharger et l'utiliser gratuitement, avec des fonctions limitées. Ce n'est qu'à partir de revenus annuels de 100 000 $US que l'utilisateur doit passer à une version payante et plus complète, Unity Plus, pour environ 400 $ par année, ou la version Pro pour 165 $ par mois. On propose également un partage de la publicité s'affichant sur les productions.

Communautaire

La gratuité de la plateforme est la raison principale pour laquelle les studios indépendants, les débutants et même les prototypes des grands studios recourent pour la plupart à Unity. À Montréal, Ludia, Bethesda et le département d'expérimentation d'Ubisoft, la Fun House, l'utilisent, ainsi que l'écrasante majorité des plus petits studios. Un des résultats de la popularité de Unity, qui a explosé à partir de 2010 avec l'arrivée en masse des jeux mobiles, c'est qu'une vaste communauté d'usagers échange et met en commun des ressources. On y trouve constamment de nouveaux outils créés ou modifiés par des utilisateurs que les débutants vont pouvoir télécharger.

UNITY EN CHIFFRES

• 24 milliards de téléchargements

• Plus de 50 % des jeux mobiles

• 60 % des contenus en réalités augmentée et virtuelle

• Quelques jeux connus : Angry Birds, Lara Croft Go, Fallout Shelter, Pokemon Go, ReCore, Super Mario Run