On fait souvent le parallèle entre le jeu vidéo et le cinéma, l'industrie du premier ayant depuis belle lurette dépassé en revenus celle du second. Rarement le parallèle n'a été aussi pertinent qu'avec le nouveau jeu du studio français Quantic Dream, «Detroit : Become Human».

Précisons-le d'entrée de jeu, nous avons eu le coup de foudre pour cette production mise en marché le 25 mai dernier. Tout, de la qualité graphique aux mécaniques du jeu, mais surtout le scénario saisissant qu'on bâtit au fur et à mesure, est un délice.

Detroit amélioré

On se retrouve avec ce jeu à être aux premières loges de ce qui pourrait être, en fait, un excellent thriller de science-fiction.

La trame de fond de «Detroit : Become Human», ce sont les aventures de trois androïdes, Kara, Connor et Markus, qu'on personnifie un après l'autre. Dans ce Detroit revitalisé de 2038, les robots sont partout, policiers, assistants ménagers, domestiques, engendrant tensions et rancoeur de certains humains. Or, des androïdes montrent des signes d'instabilité allant jusqu'au meurtre.

Ce «meilleur des mondes», comme on l'explique, est au bord du chaos.

Dans les premiers tableaux, on se retrouve dans la peau de chacune des trois vedettes androïdes. On voit avec leurs yeux, les informations de leurs analyses et réflexions apparaissent à l'écran, l'état mental de leurs interlocuteurs est résumé en un mot. Avec Connor, on arrive sur les lieux d'une prise d'otage dans laquelle le robot de la maison tient une fillette qu'il s'apprête à lâcher du haut du toit. On doit scanner l'appartement, trouver des indices et négocier avec le ravisseur. Il fera ensuite le même travail dans une maison où l'androïde a poignardé son maître et vous mènerez l'interrogatoire.

Entre ménage et manif

L'histoire de Kara, elle, est bien plus angoissante. Elle est la propriété d'un rustre qui l'a manifestement envoyée à la casse deux semaines plus tôt, et qui vient la chercher à l'atelier de réparation. Ce père toxicomane et violent, il faut aller lui chercher sa bière, préparer son dîner et supporter ses colères. Sa petite fille, Alice, subit silencieusement la cohabitation avec ce monstre et cherche la protection de Kara. Il faut faire le ménage avec le contrôleur de la PS4, laver la vaisselle, ranger les bouteilles vides, échanger avec le père et la fille.

Markus, enfin, est l'homme à tout faire d'un artiste paraplégique. Son aventure commence dans la rue où il doit aller chercher un paquet, ce qui lui vaudra d'être pris à partie par des manifestants anti-robots. De retour à la maison, il faut donner son médicament au maître, le mettre dans son fauteuil roulant et le mener à la salle à manger.

Tout au long, on peut s'arrêter et lire quelques articles de magazine («Le sexe meilleur avec les androïdes!»), choisir un livre dans la bibliothèque, peindre un tableau.

Bien que d'un réalisme frappant, cette entrée en matière pourrait devenir lassante. Après trois tableaux de ce genre, on se demande effectivement si la suite sera plus palpitante. Et croyez-nous, sans gâcher la surprise, elle le sera.

Difficultés de contrôle

Toutes les décisions prises au détour de situations ont une influence sur le scénario. Mentir, enjoliver la vérité ou l'asséner de façon crue? Obéir ou refuser les ordres? Respecter la loi ou survivre? Vous ne saurez évidemment pas ce qui serait arrivé si votre choix avait été différent, mais vous aurez accès à la fin de chaque scène à une «arborescence» des événements : vous verrez alors que chaque choix aurait pu mener à d'autres conclusions, sans savoir lesquelles.

Nous avons de petites réserves sur la jouabilité, les déplacements et les gestes de nos androïdes étant parfois difficiles à contrôler. Même si on est partiellement guidés par des schémas et des cartes, on se retrouve parfois à devoir exécuter des missions sans trop savoir par où commencer. Mener son maître dans la salle à manger quand on n'a aucune idée où elle se trouve, passer l'aspirateur quand on ne le trouve pas et qu'un père débile vous engueule, ça peut être frustrant...

Mais au final, bien que les jeux de ce type, aux scénarios qui varient selon les choix du joueur, ne soient pas une nouveauté, rarement une telle qualité a été atteinte. L'histoire est saisissante et se joue comme si on était au cinéma -avec le détail qu'on contrôle en partie son déroulement. Et petit détail qui ne va pas de soi même s'il s'agit d'un studio parisien, la version française est impeccable.

Du bonbon, vraiment.

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Detroit : Become Human

• Développeur : Quantic Dream

• Éditeur : Sony Interactive Entertainment

• Plateforme : PS4

• Prix : 79,99$

• Note : 4,5 sur 5