Partout dans le monde, les sports électroniques sont en effervescence. Des équipes se forment en Europe, aux États-Unis, en Asie. Des tournois s'organisent avec des millions en bourses. Et pendant ce temps, c'est quasi le calme plat au Québec et au Canada.

Mais une poignée de passionnés va tenter de changer les choses. Les sports électroniques - ces compétitions devant un PC ou une console - seront bientôt dotés d'une fédération au Québec. Ses artisans vont en faire l'annonce demain lors d'une conférence de presse à Montréal.

«Au Québec, il y a beaucoup d'acteurs, mais ils sont divisés. L'idée est de rassembler ces acteurs et de sortir de l'ombre», explique en entrevue Patrick Pigeon, président de la Fédération québécoise des sports électroniques (FQSE).

Les sports électroniques semblent enfin sur le point d'éclore dans la province et la fondation de cet organisme en est le plus récent indice. En avril dernier, le Lan ETS, le plus important tournoi local annuel, a migré vers une salle beaucoup plus grande. En août, Montréal va accueillir le DreamHack, qui sera le plus important tournoi international à avoir lieu ici.

Mais malgré ces signes encourageants, la scène professionnelle du jeu vidéo stagne au pays. Pigeon, qui a un moment fait partie d'une équipe professionnelle québécoise, a pu en faire le constat. Boréal Gaming a mis un terme à ses activités après des années à tenter de s'établir.

«On a énormément de retard, surtout au niveau des mentalités. Mais on a aussi beaucoup de chemin à faire pour augmenter le nombre de spectateurs, de joueurs professionnels, d'équipes organisées, fait valoir Patrick Pigeon, 35 ans. Au Canada, dans tous les aspects, on est en retard. Le Québec avance dans la bonne direction, mais on est encore loin des États-Unis et de l'Europe. La Corée, on n'en parle même pas.»

Monter d'un cran

Les joueurs professionnels qui arrivent à vivre de leur sport se comptent sur les doigts d'une main au Québec. Pourtant, l'intérêt est là.

À l'Université de Montréal, le club de sports électroniques est né il y a tout juste un an. Il compte déjà 150 membres.

«Pour moi, l'engouement au Québec est très, très présent. Ça se sent. Mais il manque encore des infrastructures tout autour, et je pense que l'arrivée de la Fédération va nous aider à avancer», estime Théophile Hladky, président d'UdeM Gaming.

D'ailleurs, cet étudiant à la maîtrise en communications de 23 ans est bien placé pour constater l'absence d'infrastructures: son association n'a pas de local à l'université.

La Fédération va donc travailler à légitimer ce sport encore vu par plusieurs comme un passe-temps. 

Elle devra aussi se pencher sur le cercle vicieux qui freine le développement d'une scène québécoise: l'absence de tournois majeurs, qui limite le nombre de professionnels, qui limite le nombre de tournois majeurs...

«Avec Boréal Gaming, on devait toujours aller jouer aux États-Unis, ce qui entraîne des coûts énormes, raconte Patrick Pigeon, président de la nouvelle fédération. Envoyer une équipe de cinq joueurs au Texas pour un tournoi, ce sont des milliers de dollars d'investissement. C'est un peu pour ça, parce que le marché n'était pas là, qu'on a décidé de mettre un terme à Boréal. Avant tout, il fallait mettre en place l'environnement propice pour que ça fonctionne.»

La Fédération a déjà commencé à travailler sur un autre dossier brûlant. Elle tente actuellement d'obtenir du gouvernement la confirmation par écrit que le sport ne relève pas de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec (RACJ).

Aujourd'hui, plusieurs organisateurs de tournois américains refusent d'admettre des athlètes du Québec, un peu comme le font les responsables de tirages aux États-Unis qui refusent d'admettre les Québécois, pour ne pas être astreints aux règlements de la Régie.

«On travaille fort là-dessus, et jusqu'ici, ça augure bien», dit Pigeon.