Dans une semaine jour pour jour, la ville de Québec fera son entrée dans les grandes ligues du jeu vidéo avec le lancement mondial d'Assassin's Creed Syndicate, premier opus de la célèbre franchise à avoir été conçu à l'extérieur de Montréal.

Il s'agit de la toute première superproduction dirigée par le studio d'Ubisoft à Québec. À sa dixième année d'existence, celui-ci a mené une équipe qui, au total, aura compté jusqu'à 1000 créateurs répartis dans neuf studios un peu partout sur la planète.

Campé dans le Londres de la révolution industrielle, en 1868, Syndicate est sans contredit le plus moderne des opus de la série. Ce modernisme s'affiche de plusieurs façons, de l'équipement dont disposent les héros à la présence de multiples véhicules et de rues plus larges, en passant par l'existence d'une héroïne féminine.

Avec sept épisodes précédents, dont un tous les ans depuis 2009, le risque d'un essoufflement grandit de fois en fois pour la série Assassin's Creed, et les créateurs de Québec ont mis la gomme pour y apporter un maximum d'innovations, tout en respectant ses piliers. L'époque choisie a elle-même imposé certaines de ces innovations, reconnaît le directeur créatif du projet, Marc-Alexis Côté.

« D'abord, c'est le premier jeu de la série pour lequel on peut se baser sur des photos et même des vidéos d'époque », explique-t-il.

L'architecture londonienne de l'époque a aussi dicté l'arrivée d'un accessoire important, un grappin permettant de grimper rapidement ou de passer d'un toit à l'autre.

« Dans Assassin's Creed II, les édifices avaient en moyenne deux étages, sauf à Venise où la hauteur moyenne des édifices était de trois étages, raconte M. Côté. Et c'était cette ville qui attirait systématiquement les moins bonnes notes des utilisateurs dans nos tests. Ça nous avait pris un moment à faire le lien. À Londres, en 1868, les édifices avaient en moyenne cinq étages. Il fallait trouver quelque chose. »

Il a aussi fallu réimaginer les scènes de combat, les épées ayant été mises au rancart depuis belle lurette à cette époque. Les affrontements se font le plus souvent aux poings ou avec des armes de courte portée, ce qui a modifié la dynamique. Les nouvelles scènes de combat mettent l'accent sur la fluidité, le rythme et les combinaisons.

GRANDE PRESSION

Le jeu est attendu de pied ferme par les analystes financiers puisqu'il sera le principal contributeur aux résultats d'Ubisoft pendant la très importante période des Fêtes. L'autre grand titre de l'entreprise, Rainbow Six Siege, développé à Montréal, a été reporté au 1er décembre, un peu tard pour bien profiter de la manne, écrivait à ses clients l'analyste Richard-Maxime Beaudoux, de la firme Bryan, Garnier & Co, le 30 septembre dernier.

Celui-ci s'inquiétait aussi « de précommandes faibles aux États-Unis, ce qui semble être particulier à ce jeu et non pas s'étendre à l'ensemble du marché ». Qui plus est, des tests « pré-alphas » semblaient révéler la présence de nombreux bogues, selon l'analyste. Des ennuis techniques avaient plongé l'opus précédent dans la controverse, l'an dernier, et forcé Ubisoft à s'excuser auprès de sa clientèle.

« La franchise entière et, à plus grande échelle, le nom Ubisoft pourraient être endommagés par le lancement d'un deuxième opus bogué », soutient Richard-Maxime Beaudoux.

Un essai d'environ deux heures réalisé jeudi dans les bureaux d'Ubisoft à Québec n'a pas révélé de lacune technique majeure.

Pour le producteur senior du projet, François Pelland, cette pression sur la qualité technique ne s'est pas véritablement fait sentir en cours de développement.

« C'est sûr qu'on a intérêt à livrer un jeu le plus stable possible, et notre décision de montrer une version jouable dès juin dernier à l'E3 est un peu une conséquence de ce qui s'était passé en cours d'année, reconnaît-il. Mais ce n'est pas différent du passé, on établit nos priorités. »

L'épisode précédent, Assassin's Creed Unity, était le premier à faire son apparition sur la nouvelle génération de consoles de jeux, ce qui n'était pas étranger aux difficultés techniques.

« Il y a des choses sur lesquelles on avait commencé à investir dans Unity qu'on a pu polir cette année, dans la deuxième itération du moteur de jeu sur les consoles de nouvelle génération. »

UN NOUVEL ACTIONNAIRE POUR UBISOFT

Les marchés financiers ont réagi avec un fort entrain à l'annonce, jeudi soir, par le géant français Vivendi, de son entrée au capital d'Ubisoft et de Gameloft, deux sociétés fondées par les frères Guillemot et dont le principal studio de production se trouve à Montréal. La première a bondi de 14,85 % et la seconde, de 9,02 % à la Bourse de Paris. Ces prises de participation non sollicitées ont par ailleurs étonné. Vivendi a vendu en 2013 sa part majoritaire dans le numéro un mondial Activision Blizzard. Dans un communiqué, la direction d'Ubisoft a rappelé sa volonté de « rester indépendant ».