La Chine a formellement levé une interdiction de vente des consoles de jeux vidéo, ouvrant potentiellement un immense marché aux géants Sony, Nintendo et Microsoft, mais les restrictions restent importantes et les retombées économiques réelles très incertaines.

Les groupes étrangers produisant des consoles de jeux vidéo dans la zone franche de Shanghai (ZFS), inaugurée fin septembre, seront autorisés à les vendre dans le pays après inspection des autorités culturelles, selon un communiqué gouvernemental dévoilé cette semaine.

En pratique, cette décision met un terme à une interdiction vieille de plus d'une décennie: Pékin avait suspendu en 2000 la vente de toutes les consoles de jeux en raison de leurs supposés effets négatifs sur «la santé mentale» des jeunes utilisateurs.

Les importations depuis l'étranger de consoles de jeux restent cependant toujours officiellement interdites - même s'il est extrêmement facile de se procurer des consoles introduites de façon illicite dans le pays.

De fait, toute évolution pourrait s'avérer limitée, estiment des experts: ces consoles déjà disponibles illégalement sur le marché chinois permettent de jouer à des jeux piratés bon marché, et il est peu probable que leurs utilisateurs soient prêts à acquitter les prix bien plus onéreux des jeux officiels.

«Les ventes de consoles ne vont pas s'envoler, c'est impossible, il s'agit de produits de niche en Chine», a par ailleurs expliqué à l'AFP Yang Jiaxiang, expert indépendant pour un cabinet spécialisé.

«Les véritables consoles de jeux sont habituellement très chères et personne n'en achètera à l'exception de quelques joueurs fanatiques», a-t-il ajouté.

De plus, les obstacles restent nombreux: les consoles autorisées à la vente seront uniquement celles fabriquées sur le territoire de la zone franche (où aucune usine n'est encore en mesure de les produire) et chaque titre de jeux devra recevoir un feu vert des autorités. Les produits risquent ensuite d'être taxés à la sortie de la ZFS.

«Les groupes ne pourront pas suivre le rythme des sorties (de nouveaux titres)» assez rapidement pour satisfaire leurs usagers, «à moins que la Chine ne réforme ses mécanismes d'approbation» souvent longs et tortueux, a commenté M. Yang.

Un sérieux handicap alors qu'ils auront à trouver leur place sur un marché dominé par les plateformes de jeux en ligne, au côté d'une offre de jeux pour PC constamment renouvelée et accessible à peu de frais.

Des responsables étrangers du secteur redoutent quant à eux que le contrôle sourcilleux des autorités culturelles - qui pourraient bannir tout jeu pour console au contenu jugé violent, obscène ou politiquement délicat - ne se transforme en barrière commerciale.

L'assouplissement, annoncé formellement cette semaine, ne semble pas concerner non plus les consoles que certains groupes étrangers - tels les japonais Sony et Nintendo - font déjà fabriquer en Chine avant de les écouler sur d'autres marchés.

Malgré de sérieuses restrictions, cette évolution des règles pourrait cependant offrir une porte d'entrée vers le très convoité marché chinois aux géants du secteur et à leurs produits phares - la PlayStation de Sony, la Wii de Nintendo ainsi que la Xbox de l'américain Microsoft.

Les investisseurs ont du reste réagi de façon enthousiaste: le titre de Nintendo a clôturé sur un bond de 10,76% mercredi à la Bourse de Tokyo, tandis que celui de Sony gagnait 1,38%.

«C'est un développement positif, car la Chine est potentiellement un gigantesque marché pour eux», a observé Hirokazu Hamamura, directeur de Kadokawa Corp., éditeur d'un magazine nippon spécialisé sur l'industrie du jeu vidéo - tout en avertissant que «les risques de piratage» pourraient rogner leurs profits.

De même, à la Bourse de Paris, l'éditeur français de jeux vidéo Ubisoft s'envolait de plus de 6% mercredi en cours de matinée.

Le chiffre d'affaires total du secteur chinois des jeux vidéo a bondi de 38% sur un an en 2013, à 83,2 milliards de yuans (85 millions $CAN), selon une estimation de professionnels.

Le marché chinois est écrasé par la domination des jeux en ligne, mais les applications ludiques sur téléphones portables en constituent un pan de plus en plus populaire et rémunérateur.

Mais les groupes japonais eux-mêmes faisaient mercredi preuve de prudence: «À l'heure actuelle, nous ne pouvons rien dire de certain à propos de nos projets futurs en Chine», a ainsi déclaré un porte-parole de Sony.

De son côté, Microsoft a d'ores et déjà prévu de s'engager dans une coentreprise dans la zone franche de Shanghai, pour un investissement de 237 millions de dollars, avait indiqué dès novembre son partenaire chinois BesTV New Media, sans préciser quels produits seraient concernés.