Les téléphones intelligents, les tablettes et les réseaux sociaux ont déjà chamboulé le modèle d'affaires établi dans l'industrie du jeu vidéo. Il n'y aura pas d'accalmie au printemps, alors que d'autres technologies s'ajoutent à l'arsenal déjà bien garni des éditeurs indépendants, leur permettant de passer outre le modèle de distribution traditionnel.

Une de ces nouveautés permettra à trois jeunes entrepreneurs de Gatineau d'ouvrir leur propre studio de jeu vidéo, à Montréal, cet automne.

Le 26 août dernier, Sauropod Studio a obtenu 702 000$ en financement volontaire, du site américain Kickstarter. Ils auront ainsi les coudées franches afin de mettre à terme leur premier projet, un jeu de stratégie et de puzzle appelé Castle Story.

À mi-chemin entre Warcraft et Minecraft, deux classiques en leur genre, Castle Story avait initialement besoin de 80 000$ pour être finalisé. «On pensait avoir besoin de financement additionnel et le créer nous-mêmes. Finalement, on pourra engager deux ou trois autres personnes pour nous aider à le développer», résume François Alain, un des cofondateurs.

Obtenir ce financement n'a pas été de tout repos. L'entreprise a dû s'enregistrer aux États-Unis afin de respecter les exigences du site de financement volontaire Kickstarter. Trouver un financement au Canada s'est aussi avéré impossible, déplore M. Alain.

«Le modèle canadien s'adapte très mal au jeu vidéo indépendant. Ça prend des revenus déjà établis et une commercialisation immédiate, alors qu'un jeu prend souvent plus d'une année à être développé. Pour nous, ça revient à dire qu'on aurait eu les fonds seulement une fois qu'on n'en aurait plus eu besoin.»

Fonds des médias

À l'autre bout du spectre avec ses 350 employés, Frima Studio, de Québec, est le plus important éditeur indépendant du pays. Dans l'ombre d'Ubisoft et de Square Enix, l'entreprise de propriété québécoise procède actuellement à la mise en marché de cinq nouveaux titres, grâce à un soutien financier de 3,5 millions de dollars du Fonds des médias du Canada (FMC).

Pour le FMC, il s'agit de la première cuvée de projets qui ne sont pas automatiquement liés à un projet télévisuel. Pour Frima, c'est un coup de pouce qui pourrait faire la différence, l'entreprise désirant accroître la part de ses revenus provenant de titres originaux afin de créer un équilibre avec ceux tirés du travail en sous-main pour d'autres éditeurs.

«Dans l'industrie, on parle beaucoup de création d'emplois. Je pense qu'il faut commencer par parler de création de richesse et de propriété intellectuelle», explique Steve Couture, cofondateur et PDG de Frima.

«Montréal est un des plus importants pôles du jeu vidéo dans le monde, mais en nombre d'emplois seulement. Quand vient le temps de profiter de titres lucratifs, les profits s'en vont en France, aux États-Unis ou au Japon.»

D'où l'importance des éditeurs indépendants, poursuit M. Couture. Les nouvelles plateformes, comme les télés intelligentes ou même la console Ouya - elle aussi financée par Kickstarter - ont beaucoup de potentiel à ses yeux.

«On souhaite tous créer le prochain Angry Birds, mais il n'existe pas de formule magique. Nous, on fait plusieurs petits investissements et quand on en voit un décoller, on redouble d'efforts. C'est pour ça que les nouvelles avenues, comme la console Ouya, sont importantes. Elles permettent d'élargir le spectre de ces investissements, et donc, d'augmenter les chances de succès des projets indépendants.»

Pour joindre notre journaliste: alain.mckenna@lapresse.ca