Interdire les jeux vidéos violents aux mineurs est contraire à la Constitution: la Cour suprême des États-Unis a rejeté lundi tout lien entre ce loisir et l'agressivité des enfants, répétant son attachement viscéral à la liberté d'expression sans restriction.

«En vertu de notre Constitution, les jugements moraux et esthétiques sur l'art et la littérature sont le fait de l'individu et ne peuvent être décrétés par l'État», écrit la Cour dans son arrêt rendu par sept voix contre deux, mêlant les lignes idéologiques de droite et de gauche.

Cette décision, une des plus attendues de l'année, complète une série de prises de positions de la plus haute juridiction américaine systématiquement en faveur de la liberté de parole, aussi haineuse ou rebutante soit-elle.

Depuis un an, elle avait déjà déclaré constitutionnelles les vidéos montrant les cruautés faites aux animaux ou encore les manifestations anti-homosexuels ayant eu lieu lors des funérailles privées d'un militaire.

«L'État peut légitimement essayer de protéger les enfants (...) mais ça ne signifie pas qu'il puisse restreindre les idées auxquelles les enfants sont confrontés», ces idées fussent-elles sanglantes, racistes ou haineuses, poursuit la Cour.

De plus, argumente-t-elle, les enfants n'ont pas attendu l'arrivée de nouveaux médias pour être confrontés à un imaginaire violent.

La reine empoisonneuse de Blanche-Neige meurt dans d'atroces souffrances, «les yeux des demi-soeurs de Cendrillon sont arrachés par des pigeons, Hansel et Gretel tuent leur ravisseuse en la faisant cuire au four», cite la Cour.

Pierre angulaire des valeurs du pays et premier amendement de la Constitution, la liberté d'expression ne connaît, depuis plus de 200 ans, que de rares restrictions aux États-Unis: l'incitation à commettre un acte illégal, l'obscénité et l'incitation à la violence.

La Californie avait décidé en 2005 d'imposer une limitation à la vente et la location aux mineurs de jeux vidéo donnant la possibilité au joueur de «tuer, mutiler, démembrer ou agresser sexuellement la représentation d'un être humain».

Elle s'appuyait pour cela sur plusieurs études montrant une corrélation entre l'usage de ce type de jeux et le développement de comportements violents chez les enfants.

La plus haute juridiction américaine a balayé en quelques lignes toute conséquence directe sur le comportement des enfants. Les études présentées par la Californie «ne prouvent pas que les jeux vidéo violents provoquent l'agressivité (ce qui serait un début)», affirme la Cour.

Les effets des jeux vidéo sur les enfants «sont réduits et ne peuvent être distincts de ceux produits par d'autres médias», poursuit-elle.

Les fabricants et détaillants de jeux vidéo, soucieux à l'idée que leurs produits soient soumis à des restrictions qui ne s'appliqueraient pas aux livres ou aux films, ont obtenu gain de cause à toutes les étapes judiciaires dans cette affaire.

Lundi, l'Association des marchands de vidéo (Entertainment Merchant association), à l'origine de l'action en justice, s'est félicitée de sa victoire.

Dans un communiqué, elle a néanmoins rappelé que la classification des jeux -prise en charge par un organisme privé- «permet de garantir que des enfants n'achètent pas eux-mêmes des jeux vidéo vraiment violents et que les parents qui s'intéressent à la question puissent vérifier la classification des jeux que leurs enfants rapportent à la maison».