L'Ontario met les bouchées doubles pour développer son industrie des jeux vidéo, au point de vouloir défier la place de Montréal comme pôle majeur de cette industrie florissante.

D'autant plus que sa dernière capture - un projet pluriannuel de 800 millions de dollars à Toronto par le géant français Ubisoft - laisse présager un coup de semonce pour le milieu québécois des jeux interactifs.

«L'Ontario a accentué son maraudage dans l'industrie des jeux vidéo depuis deux ans, dans le cadre de ses efforts de diversification économique hors de l'automobile. Mais là, cette grosse annonce d'Ubisoft à Toronto a de quoi nous interpeller un peu plus au Québec», a dit Pierre Proulx, directeur général de l'Alliance numérique, principal regroupement québécois d'entreprises de jeux interactifs.

En effet, l'expansion à Toronto annoncée hier par Ubisoft, qui regroupe pourtant 2100 personnes à ses studios de Montréal et de Québec, ne manque pas d'ambition.

800 millions en 10 ans

Ubisoft veut développer ans la Ville reine un studio de réalisation de jeux interactifs de pointe qui emploiera au moins 800 personnes d'ici quelques années.

Et des investissements prévus de 800 millions en 10 ans, au moins le tiers, soit 263 millions, proviendra du gouvernement de l'Ontario sous la forme de crédits d'impôt spéciaux pour les «médias numériques interactifs».

Ce programme, bonifié dans le budget ontarien de l'an dernier, fait partie de la demi-douzaine de crédits d'impôt pour le secteur de l'audiovisuel (cinéma, télé, logiciels, etc.) qui sont administrés par une société d'État spécialisée: Ontario Media Development Corporation.

D'ailleurs, au cours de la conférence de presse d'Ubisoft hier à Toronto, le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, et sa ministre du Développement économique, Sandra Pupatello, ont vanté les ambitions de leur gouvernement.

«Nous sommes ici pour dire au monde que l'Ontario veut accroître son industrie des jeux interactifs, qui sont devenus une business considérable», a indiqué M. McGuinty.

«L'implantation d'Ubisoft à Toronto constitue l'aboutissement de deux ans de démarches et de rencontres avec ses dirigeants à Montréal, à Paris et à Toronto. Elle montre aussi notre détermination à chasser des entreprises et des projets créateurs d'emplois pour l'Ontario.»

Le principal dirigeant d'Ubisoft au Canada, Yannis Mallat, a aussi vanté les efforts de l'Ontario envers son secteur, de même que «l'émergence plus forte que jamais de Toronto sur la scène culturelle internationale».

Mais par la suite, en entretien téléphonique avec La Presse Affaires, M. Mallat s'est voulu rassurant envers les activités d'Ubisoft au Québec, en dépit de son expansion à Toronto.

«Nous n'avons aucun plan de substitution d'activités entre Montréal et nos prochains studios à Toronto. En fait, notre implantation à Toronto est une bonne nouvelle pour l'industrie des jeux vidéo au Canada. Elle démontre qu'Ubisoft préfère investir et se développer au Canada plutôt qu'en Asie, par exemple», a indiqué M. Mallat.

Il a aussi réitéré le plan d'affaires d'Ubisoft au Québec, qui prévoit grandir jusqu'à 3000 employés d'ici 2013, comparativement à 2100 actuellement.

Mais à l'Alliance numérique, le directeur général, Pierre Proulx, estime que l'expansion d'Ubisoft à Toronto rehausse la pertinence d'un nouvel «état de la situation» du secteur des jeux interactifs au Québec.

C'est d'ailleurs ce que l'Alliance entend soumettre au gouvernement québécois d'ici quelques semaines, en particulier le nouveau ministre du Développement économique, Clément Gignac.

«Quand t'es un meneur dans un secteur, comme le Québec avec les jeux interactifs, il faut s'attendre à ce que tout le monde te coure après, a commenté Pierre Proulx. C'est donc important de réviser et d'ajuster au besoin certains avantages. Et pas seulement au niveau fiscal, mais aussi d'autres éléments comme la formation professionnelle, par exemple.»

Au cabinet du ministre Gignac, en fin de journée hier, on a commenté l'annonce d'Ubisoft à Toronto en soulignant la primauté persistante du Québec dans l'industrie des jeux interactifs.

«Même si elle s'implante à Toronto, Ubisoft a déjà un important plan de développement et d'investissement au Québec, qui est bien établi comme pôle de développement des jeux interactifs», a indiqué Anne-Sophie Desmeules, attaché de presse du ministre.

«Cela dit, nous demeurons à l'écoute de cette industrie. Mais jusqu'à maintenant, le soutien gouvernemental, qui comprend divers programmes dans différents ministères et organismes, fonctionne plutôt bien.»

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