Dans l'industrie du jeu vidéo, les emplois sont occupés en majorité par des hommes, mais de plus en plus de femmes y font carrière comme artistes, conceptrices, directrices de production ou programmeuses. Elles représentent entre 10 et 20 % de l'effectif et leur apport est très important dans un secteur qui propose ses produits à un public plus vaste que celui des hardcore gamers. Le Soleil a voulu savoir comment les femmes des cinq grands studios de jeu de Québec avaient fait ce choix de carrière. Et, contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas des tom boy dans un univers d'adolescents boutonneux. TROISIÈME DE CINQ

Les femmes, elles aussi, aiment les jeux vidéo au point qu'on sent des changements dans une industrie tirant historiquement son énergie de la testostérone, un monde d'hommes produisant des jeux pour les «gars». Ces années-ci les maisons de production ont compris que la clientèle féminine pouvait être intéressante non seulement dans le créneau de la consommation de jeu, mais aussi dans celui de la production.

Les emplois féminins ne se limitent plus au secteur des relations humaines, de la comptabilité ou des communications. Il y a des filles aux différentes étapes : scénarisation, conception, design et production artistique, programmation et test.

Chez Longtail Studios, il y a près de 20 % de femmes chez les employés.

Elles étaient 12 au moment de l'entrevue avec Le Soleil en novembre. Si elles sont si nombreuses, ce n'est pas tant parce que les studios de Québec sont dirigés par une femme, Mme Estelle Jacquemard, mais surtout parce qu'elles peuvent exprimer leur talent dans un univers qui n'est pas macho.

«Je n'ai jamais senti d'attitude de macho chez mes collègues ou de remarque désobligeante du genre «elle a eu le poste parce qu'elle était jolie»», affirme l'une d'entre elles. «Ici, ce n'est pas une question de force physique, mais de talent, et les gars savent que les filles peuvent être aussi bonnes et performantes qu'eux dans les mêmes domaines. Dans le volet artistique, tu sais dessiner ou tu ne le sais pas, que tu sois un gars ou une fille», raconte une autre.

Reste quand même que chaque fois qu'une nouvelle arrive dans l'entreprise, les gars lèvent les yeux de leur écran, pour reluquer, avant de replonger dans la zone de clavardage pour faire leurs commentaires. Mais ça dure un jour ou deux. Même chose pour la gêne du départ. Elle disparaît rapidement et le naturel reprend le dessus. Toutefois, si les gars sont un peu plus grivois parfois, ils ne sont jamais déplacés ou irrespectueux. Au contraire, toutes les filles affirment avoir été très bien accueillies, chacune sachant qu'elle a sa place. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le monde du jeu n'est pas sexiste ni peuplé de machos. Et s'il y avait quelques forts en gueule, elles sauraient faire face à la musique. «Ils sont taquins, mais pas sexistes. Ils sont sociables, amicaux. En plus, ils sont jeunes, d'une génération qui a appris à travailler avec des filles», poursuit une autre.

Quelques-unes décrivent à quel point les expériences de travail dans d'autres milieux étaient à l'opposé de celles vécues dans un studio de jeu. Que ce soit en restauration, dans le monde de la mode, de l'horticulture ou de l'enseignement, voire dans un univers féminin, le travail dans un studio de jeu est plus agréable parce que tout le monde doit travailler en équipe en misant sur les talents et les forces des uns et des autres.

Et une programmeuse parlant des programmeurs raconte qu'au moment d'arriver dans son premier cours de programmation au cégep, on l'avait prévenu que les étudiants dans ce domaine étaient des petits frêles très ados. Elle refusait de le croire en se disant qu'il y en aurait certainement quel-ques-uns plus cute et plus costauds : «Ben non, quand je les ai vus, je me suis dit que j'étais celle qui avait le plus haut taux de testostérone dans le groupe.»

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