Un courriel intercepté par le site spécialisé Gamasutra laisse croire qu'une tentative de collusion a eu lieu dans l'industrie montréalaise du jeu vidéo pour «éviter une surenchère des salaires qui ne serait bénéfique que pour les employés».

Le courriel en question a été envoyé en juin 2007 par l'ex-directrice des ressources humaines d'Eidos, Flavie Tremblay, au nouveau responsable des ressources humaines d'Ubisoft, Francis Baillet.

Mme Tremblay propose «une rencontre afin de discuter d'une éventuelle collaboration entre personnes de ressources humaines provenant de diverses entreprises du jeu vidéo.»

«Comme vous le savez, il y a de plus en plus de joueurs importants dans l'industrie à Montréal et le bassin de ressources est limité. Je crois sincèrement qu'une collaboration éventuelle nous permettrait de mieux prévoir les besoins en formation de main d'oeuvre (et) d'éviter une surenchère des salaires qui ne serait bénéfique que pour les employés et qui finirait par nuire à l'industrie à long terme», lit-on.

«Laissez-moi savoir si vous êtes disponible pour une éventuelle rencontre. Je crois que A2M serait probablement intéressée. Il ne resterait qu'à convaincre EA (Electronic Arts)», poursuit Mme Tremblay. Cette dernière est retournée depuis à l'emploi d'Ubisoft mais est actuellement en congé de maternité.

Questionné par Technaute, le porte-parole d'Ubisoft, Cédric Orvoine, a reconnu l'existence de la lettre. «C'est un courriel que nous avons effectivement reçu, mais nous n'y avons jamais donné de suite, a-t-il assuré. Chez Ubisoft, nous avons notre propre politique salariale globale. Nous avons des gens qui étudient le marché et les salaires sont fixés en fonction de l'expérience et de différents critères du marché. Ce ne sont pas les autres entreprises qui décident pour nous.»

Stéphane D'Astous, directeur général d'Eidos Montréal, a quant à lui affirmé que le courriel de Mme Tremblay, qui n'est plus à l'emploi d'Eidos en raison de «conflits internes», «ne reflète en rien la position de l'entreprise». «Eidos n'a jamais encouragé de telles pratiques. C'est peut-être bon pour une ligue de baseball, mais pas pour l'industrie du jeu vidéo», a dit M. D'Astous.

Rien d'illégal, mais éthiquement questionnable

De nombreux salaires versés aux employés de l'industrie du jeu vidéo sont actuellement subventionnés, jusqu'à hauteur de 37,5%, par Investissement Québec. En entrevue à Gamasutra, le vice-président et directeur général d'Electronic Arts Montréal, Alain Tascan, s'est dit «troublé» par la missive. «Entrer en collusion avec des compétiteurs pour restreindre les salaires à Montréal me semble manquer d'éthique et contredit clairement les valeurs d'Electronic Arts», a-t-il commenté.

Selon Alain Barré, professeur de relations industrielles à l'Université Laval, la collusion pour la fixation de la rémunération n'a rien d'illégal. «Je suis sceptique quant à l'efficacité d'une telle pratique. Il suffit qu'un des employeurs décide d'en faire à sa tête et tout tombe à l'eau», a-t-il expliqué.

A2M, citée dans la lettre, a pour sa part assuré, par la voix de sa porte-parole Michèle Fortier, qu'elle «n'a absolument aucune implication» dans cette histoire.