Dans les reportages, on les voit souvent participer à un joyeux match de hockey bottine. Mais dans leurs temps libres, les soldats canadiens déployés en mission ont aussi d'autres distractions. Tels des jeux vidéo sur PC branchés en réseau. Parmi les jeux les plus populaires, on retrouve beaucoup de jeux de... guerre.

insi, en Afghanistan, les militaires ont accès à des jeux tels Age of Mythology, Command and Conquer, Doom 3, Warcraft 3 - Reign of Chaos, Battlefield 2 et Call of Duty. Certains de ces jeux sont en trois dimensions. D'autres, tels Command and Conquer, sont des jeux de stratégie en temps réel. Le joueur se trouve virtuellement au-dessus d'un champ de bataille et doit organiser les mouvements de ses troupes.Les militaires sont aussi friands de jeux de sports: NBA Live, Madden (football), NHL. Autre jeu à la mode: Grand Theft Auto - Vice City dont le héros est un membre de la mafia récemment sorti de prison et qui se bâtit un nouvel empire du crime.

La Presse a fait cette curieuse découverte en parcourant un contrat octroyé en juin 2007 par le ministère de la Défense à l'entreprise Network Innovations de Calgary. Le document a été obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Ce contrat de trois ans, dont la valeur frôle les 100 millions de dollars, permet à la Défense d'obtenir toute une gamme de services de télécommunications pour ses troupes déployées outre-mer.

Outre les jeux, les autres services fournis sont la téléphonie par satellite afin de permettre aux militaires d'appeler leurs proches, le réseau internet, la téléconférence par vidéo et un service de messagerie vocale. Network Innovations fournit aussi le matériel, l'encryptage des données, le transport, le soutien technique, etc.

Pour les jeux vidéo, l'entrepreneur fournit un ordinateur par tranche de 50 soldats. Chaque ordinateur contient 12 jeux. La liste est déterminée en théâtre. La Défense nous a confirmé que les jeux nommés ci-dessus sont disponibles en Afghanistan.

Appropriés?

Est-ce là une distraction appropriée?

Le colonel à la retraite Michel Drapeau croit que non. «La guerre, c'est sérieux, ce n'est pas un jeu, dit-il. La guerre, la stratégie et tout le reste, c'est une science. Lorsque ces gens-là sont au repos, je pense que si on veut leur fournir un jeu, ce devrait être quelque chose qui ne leur redonne pas un climat de violence ou guerrier. Il faut quelque chose de plus paisible, qui peut détourner leur esprit.»

Il trouve étrange que de tels jeux puissent être permis alors qu'on parle de plus en plus de cas de syndrome de stress post-traumatique chez les soldats déployés. La hiérarchie, dit-il, doit faire preuve de leadership.

«Ils connaissent les statistiques sur les problèmes importants de stress. Comme chef, je poserais la question aux experts en matière de santé: Est-ce nocif pour la santé des troupes? Peut-on offrir autre chose d'aussi populaire?»

De son côté, le lieutenant-colonel à la retraite Rémi Landry rappelle que ce type de jeux est déjà employé par les Forces canadiennes pour l'entraînement. «Pour l'armée, c'est un moyen économique de simuler des missions, dit-il. On établit des règles d'engagement et on simule un combat. La jeune génération est à l'aise avec de tels jeux.»

Quant à leur aspect violent, il signale que ces jeux sont tout autant à la mode dans le monde civil.

À la Défense nationale, on nous dit: «Les Forces canadiennes ne mesurent pas quels jeux sont les plus populaires. Nous savons que les jeux sont populaires avec les soldats. Le ministère n'a pas d'opinion particulière sur comment les soldats utilisent leur temps libre pour se détendre.»

De 20 à près de 100 millions

Ce n'est pas la première fois que la Défense fait affaire avec Network Innovations. En février 2003, l'entreprise avait obtenu un contrat pour un service d'appels au foyer pour les forces déployées outre-mer.

Le gouvernement libéral s'était réjoui de cette annonce. «Cette initiative liée à la qualité de vie permettra de faire en sorte que les militaires déployés, à bord de navires ou au sol, puisent du réconfort dans le fait de savoir qu'ils peuvent en tout temps communiquer avec leurs êtres chers», indiquait le ministre John McCallum.

Or, en 2003, le contrat était d'une valeur maximale de 20 millions de dollars pour quatre années de services. Celui de 2007 est d'une valeur maximale de 92,7 millions (98,3 millions avec les taxes) pour trois ans.

Selon le ministère, la différence s'explique par le fait que le personnel a augmenté considérablement. «Le contrat initial soutenait environ un millier de militaires en Afghanistan, note Carole Brown, officier d'affaires publiques. Aujourd'hui, le contrat soutient les besoins des militaires et du personnel de soutien du ministère en Afghanistan (entre 3000 et 3600 personnes) et le soutien au déploiement de la marine (environ 2000 personnes).»

De plus, il faut retenir que certains des services sont payés selon le nombre de minutes utilisées. Or, les militaires ont tendance à appeler davantage à la maison ou à utiliser l'internet plus souvent lorsque survient un événement violent impliquant les troupes. Ils veulent rassurer leurs proches.