Le français fraye son chemin dans le monde jadis unilingue anglophone du jeu vidéo. La presque totalité des titres des consoles de nouvelle génération sont bilingues, et les jeunes ne jurent plus que par la langue de Molière.

Le français fraye son chemin dans le monde jadis unilingue anglophone du jeu vidéo. La presque totalité des titres des consoles de nouvelle génération sont bilingues, et les jeunes ne jurent plus que par la langue de Molière.

Le superviseur du Microplay n'en revient pas. Chez ce détaillant de jeu vidéo du boulevard de l'Ormière, la question revient sans cesse : «L'avez-vous en version française ?» Dorénavant, il peut répondre oui. «Depuis trois ans, on sent une tendance en faveur du français. Mais c'est dans la dernière année que c'est le plus marqué. Pour la Xbox 360 et la PS3, tous les titres ou presque sont traduits», fait remarquer Benoît Vallée. Ce dernier va même plus loin : ils sont bien traduits. «Je fais vraiment un effort pour chercher les fautes, mais je constate que la qualité de la langue est épatante.»

Un joueur se tourne toutefois un peu trop les pouces dans ce domaine : Nintendo. «Les menus de la Wii sont traduits, mais il y a des jeux qui sont en anglais seulement, ce qui est un peu décevant.» Autre mauvais joueur : Sony, qui néglige la PS2. «Ça demeure notre plus gros vendeur, et beaucoup de leurs jeux sont en anglais seulement», précise Benoît Vallée.

Cet irritant n'empêche pas ce passionné d'être largement favorable à l'idée de fermer les frontières du Québec aux jeux non traduits. «Quand moi je ne vends pas un jeu en anglais, un jeune peut l'acheter ailleurs dans une boutique qui s'en fout un peu. C'est bien mieux si c'est la même loi pour tous. On va peut-être être pénalisé pour quelques titres, mais les joueurs seront contents en bout de ligne. De toute façon, les jeunes sont unanimes, ils veulent des jeux en français.»

La France rafle les contrats

Les concepteurs Sega et Ubisoft ont bien compris l'engouement. «Notre politique est de fournir un français intégral : les menus, les dialogues, les sous- titres et les manuels sont tous en français», confirme la porte-parole d'Ubisoft à Québec, Chantale Cloutier. La multinationale de l'Hexagone vise avant tout un français dit «international» : «Il y a une seule version française pour tout le marché mondial, poursuit-elle. Beaucoup de nos pigistes en traduction se trouvent au Québec et nous avons un studio pour les voix à Montréal. Par contre, il y aussi une bonne part du doublage qui se fait dans nos studios en France.»

Une manne que convoite déjà l'Union des artistes du Québec. «Nous n'avons pas beaucoup misé sur l'industrie du jeu vidéo ces dernières années. Le doublage, c'est surtout en France. Mais avec l'obligation de traduire les jeux en français, ce sera une revendication logique pour nous que de demander à ce qu'il soit fait au Québec», indique la porte-parole de l'Union, Anne-Marie Desroches.

Les membres du syndicat oeuvrant dans le secteur du jeu vidéo sont pourtant peu nombreux. «C'est un domaine très difficile à percer parce que les producteurs de jeux vidéo ne sont pas regroupés comme au cinéma. C'est plus difficile de négocier des ententes», observe-t-elle. Encore plus que le grand écran, l'industrie du jeu vidéo profiterait grandement de traductions québécoises selon elle. «Le public visé, ce sont les adolescents. Et on le sent bien, pour les ados, le français franchouillard, l'argot parisien, ça ne leur parle pas», ajoute Anne-Marie Desroches.

Ce désir de traduire les aventures de Mario Bros ou de Splinter Cell prend son origine dans la croissance fulgurante du secteur. Le chiffre d'affaires de l'industrie du jeu vidéo a devancé en 2004 celui de l'industrie du cinéma. De plus, selon une étude récente de PricewaterhouseCooper, des ventes estimées à 37,5 milliards $ en 2007 permettraient au jeu vidéo de damer le pion à l'industrie de la musique.