La dépendance aux jeux vidéo va-t-elle rejoindre la liste des troubles psychiatriques? C'est le souhait formulé par un conseil d'experts médicaux dont le rapport a été présenté à Chicago lors du congrès annuel de l'Association médicale américaine.

La dépendance aux jeux vidéo va-t-elle rejoindre la liste des troubles psychiatriques? C'est le souhait formulé par un conseil d'experts médicaux dont le rapport a été présenté à Chicago lors du congrès annuel de l'Association médicale américaine.

Près de 90% des jeunes Américains se servent de jeux vidéo et près de 15% d'entre eux -plus de cinq millions d'enfants-pourraient être dépendants, selon les résultats contenus dans ce document.

Joyce Protopatas de Frisco (Texas) est bien placée pour le savoir. Son fils de 17 ans, Michael, était «accro» aux jeux vidéo. En près de deux ans, la vidéo et Internet ont transformé ce jeune homme ouvert et scolairement doué en un joueur reclus, qui a redoublé deux fois. Nuit et jour, Michael passe des heures entières devant World of Warcraft, un des jeux les plus populaires du moment.

«Mon père était alcoolique et je retrouve exactement la même chose avec Michaël», témoigne cette mère américaine. «Nous nous sommes battus jusqu'en octobre de l'année dernière», explique-t-elle. «Nous avons consulté des thérapeutes, nous avons essayé d'emporter le jeu. Il nous a menacé physiquement, nous a poursuivi et traité de tous les noms. Il était comme possédé...»

Quand elle a suggéré aux thérapeutes que Michaël était «accro», «personne ne connaissait ça», poursuit-elle. «Tout le monde l'a dédaigné.» Jusqu'à ce que sa famille trouve un thérapeute capable de diagnostiquer une addiction. Michaël a alors été envoyé dans une école spécialisée dans laquelle il a passé six mois, au prix de 5000 dollars par mois, une somme que l'assurance ne prend pas en charge, selon sa mère.

Les «Joueurs anonymes», une association de soutien en ligne, reçoit beaucoup de courrier provenant d'«accros» aux jeux vidéo qui cherchent de l'aide. Liz Wooley, de Harrisburg (Pennsylvanie), a créé ce site après que son fils âgé de 21 ans s'est suicidé en 2001, victime de ce type de dépendance.

Dans un courrier daté de février, un adolescent de 13 ans connu sous le seul prénom de Ian se disait capable de jouer près de 12 heures de suite. Il avouait aussi avoir des idées suicidaires et se demandait s'il était dépendant. «Je pense avoir besoin d'aide», écrivait-il.

Des courriers viennent aussi d'adultes, d'hommes pour la plupart, qui déclarent en avoir perdu leur travail, leur vie de famille et jusqu'à l'estime d'eux-mêmes.

Selon le rapport préparé par le conseil scientifique de l'Association médicale américaine, «les comportements de dépendance sont plus fréquents chez les enfants qui utilisent les jeux vidéo à un âge très précoce».

L'utilisation abusive apparaît le plus souvent sur des jeux en ligne qui nécessitent plusieurs partenaires, ajoute le rapport. Blizzard Entertainment, la société qui commercialise le très populaire World of Warcraft, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet.

Pour de nombreux psychiatres, la pratique excessive des jeux vidéo n'est pas sans risques. Le Dr Karen Pierce, psychiatre à l'hôpital pour enfants de Chicago, reçoit au moins deux patients chaque semaine qui sont des joueurs excessifs. «Cette semaine, j'ai vu quelqu'un qui ne se couche plus, ne se lave plus à cause des jeux vidéo», raconte-t-elle indiqué. «Il est dans un état catastrophique.»

Pour le Dr Michael Brody, membre de l'Académie américaine de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, l'utilisation excessive de jeux vidéo peut être le symptôme d'autres affections, notamment d'une dépression ou d'une phobie sociale, qui ont déjà leur propre diagnostic.