Quand les fans se sont bousculés vendredi dans les cinémas pour dévorer la troisième aventure de l'homme-araignée, des milliers de Nord-Américains s'amusaient déjà avec le jeu vidéo. Sur console et sur ordinateur, Spider-Man 3 est sorti en même temps que le film.

Quand les fans se sont bousculés vendredi dans les cinémas pour dévorer la troisième aventure de l'homme-araignée, des milliers de Nord-Américains s'amusaient déjà avec le jeu vidéo. Sur console et sur ordinateur, Spider-Man 3 est sorti en même temps que le film.

Un hasard ? Non. Sur la planète Hollywood, cette coïncidence est devenue la norme — marketing oblige. Au cours des prochains mois, Shrek, Pirates des Caraïbes, Transformers et Harry Potter seront tous flanqués d'un jeu vidéo illico.

Mine de rien, cette imbrication croissante du cinéma et du jeu vidéo place le Québec au centre du divertissement numérique. Si, par exemple, vous achetez la version PC de Spider-Man 3, sachez que c'est Beenox, une entreprise de Québec, qui l'a conçue. Même chose quand fin 2007 vous insérerez dans votre Xbox le jeu Bee Movie, tiré d'un film d'animation écrit par Jerry Seinfeld et produit par les studios Dreamworks, de Steven Spielberg.

Pour l'industrie cinématographique, les jeux vidéo ne sont plus un simple produit dérivé des films. Les deux ont été créés en concordance, ou presque. « Les producteurs nous facilitent la tâche en nous donnant accès plus tôt à du contenu. On en sait plus sur le scénario, les personnages, ça nous permet d'adapter le jeu en conséquence », témoigne François Taddei, porte-parole de Beenox.

Certains réalisateurs voient même les jeux vidéo comme un exutoire à leur trop-plein créatif. « Quand on a travaillé avec Peter Jackson sur le jeu vidéo King Kong, il s'est impliqué directement pour qu'on développe des séquences de jeu que lui n'avait pas le temps d'explorer à son goût dans le film », illustre Cédric Orvoine, porte-parole d'Ubisoft.

L'entreprise française, qui emploie près de 1500 personnes au Québec, a lancé en février à Montréal un studio de production de films ou de séries adaptées de ses jeux. « Nous, on pense qu'avec la prochaine génération de consoles, les graphiques vont être identiques, aussi performants que sur un DVD, détaille-t-il. T'es assis dans ton salon, t'écoutes ton film, tu penses qu'à ce moment-là tu veux prendre le contrôle du film, eh bien tu pourrais prendre ta manette de jeu et commencer à jouer et influencer le cours de la trame narrative. »

Pour Éric Viennot, spécialiste français de l'industrie du jeu vidéo, l'établissement de ce studio dans la métropole ne fait pas seulement confirmer la place du Québec en tant que pôle international de l'industrie du jeu vidéo. « C'est un enjeu culturel plus vaste encore qui se joue, celui de l'entertainment numérique qui pourrait progressivement se déplacer de Hollywood à Montréal », prophétise-t-il sur son blogue du site Internet du quotidien Libération.

Attirés par les crédits d'impôt que le gouvernement du Québec accorde depuis une dizaine d'années aux entreprises du secteur et la connaissance des marchés à la fois nord-américaine et européenne que possèdent les Québécois, la plupart des multinationales du jeu vidéo se sont installées dans la Belle Province — pour n'en nommer que quelques-unes : Electronic Arts, Ubisoft, Eidos, Activision. À cela s'ajoute la myriade de plus petites entreprises qui s'affairent à côté ou dans le giron de ces géants.

« Quand on voit la façon dont certaines séries ou certains films s'inspirent désormais des jeux vidéo, quand on constate l'impact croissant des effets spéciaux et de la 3D dans le cinéma contemporain, quand on imagine l'importance que les mondes virtuels vont jouer dans la communication et les loisirs de demain, on se dit que les producteurs de jeux ont tous les atouts pour se retrouver au cœur du processus de création des contenus du futur », écrit M. Viennot.

Pour le moment, Ubisoft concocte un premier court-métrage de huit minutes lié à son jeu Assasin's Creed. Le but n'est pas d'entrer en compétition contre les Paramount ou Universal de ce monde. Sont plutôt ciblés des médias alternatifs comme YouTube ou Xbox Live, qui offrent de payer les producteurs pour la production de contenus. Selon Cédric Orvoine, le Québec ne peut pas encore prétendre au titre de Hollywood du divertissement numérique. Mais en combinant l'expertise de boîtes de jeux vidéo avec celle d'entreprises comme Softimage en cinéma assisté par ordinateur, l'avenir s'annonce prometteur.

Pour le reste, il faudra demander à Spider-Man.