Le meilleur moyen de contrer les abus sur l'internet est de développer l'éducation des utilisateurs, estime Daniel Charnay, cocréateur des premiers serveurs et pages web en France, écartant de fait les initiatives visant à contrôler internet.

« C'est l'éducation, dès le plus jeune âge, et le développement de l'esprit critique qui est la meilleure façon de se protéger contre les "fake news", contre les sites révisionnistes, les arnaques », a déclaré mardi M. Charnay, ingénieur au CNRS et pionnier du web en France avec son collègue polonais Wojciech Wojcik.

« Il faut apprendre très tôt aux utilisateurs comment identifier une source, à faire preuve de discernement, à ne pas partager une information si on n'est pas sûr qu'elle est bonne », a-t-il poursuivi au cours d'un évènement organisé par le CNRS à Lyon à l'occasion des 30 ans de la toile.

En 1993, dans la foulée de l'invention du World Wide Web par le Britannique Tim Berners-Lee, M. M. Charnay et Wojcik ont créé le premier serveur web et le premier site internet français, avec pour ambition de répondre aux besoins d'une communauté de chercheurs.

Après le rapide essor d'internet, son créateur déplore aujourd'hui les abus dans les contenus, les arnaques, et craint pour la sécurité des données personnelles.

Tim Berners-Lee vient d'ailleurs de créer une plateforme baptisée « Solid », visant à permettre aux utilisateurs de contrôler leurs données en les stockant eux-mêmes, mais M. Charnay doute de son avenir.

« Je pense que ça ne va pas marcher. Il faut faire avec le contexte actuel. Ceux qui ont décidé du web et qui décident de son futur et de comment les choses vont évoluer, ce sont les GAFA » (soit les groupes américains Google, Amazon, Facebook et Apple), estime-t-il.

Sur l'idée d'une charte de bonne conduite sur le web, avancée notamment cet été par les parlementaires français, les pionniers français sont aussi sceptiques.

« Si on établit une charte, ça ne sert à rien sans moyens coercitifs, mais si vous mettez ces moyens c'est la catastrophe. Ça veut dire qu'un état peut décider du jour au lendemain qu'il va couper Untel ou Untel », affirme M. Charnay

« Quand on a inventé l'imprimerie, on n'a pas contrôlé ce qui s'imprimait dans le monde. Là c'est pareil sauf que tout le monde est producteur d'information », ajoute-t-il, en rappelant que l'esprit de liberté est fondamental sur le web.