Les abonnés à des services numériques comme Netflix devront se résoudre à payer la taxe de vente du Québec (TVQ) l'an prochain alors que les douaniers pourraient réserver des surprises à ceux qui commandent des biens à l'étranger auprès des détaillants comme Amazon.

Alors que le gouvernement Trudeau fait l'objet de nombreuses critiques pour son inaction dans le dossier du commerce en ligne, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a confirmé, mardi, dans son cinquième budget, que Québec ferait cavalier seul dans ce dossier.

Cependant, le gouvernement Couillard ne s'attend qu'à récupérer 154,5 millions d'ici 2022-2023 et seulement 7 millions en 2018-2019 auprès des entreprises numériques hors Québec.

Ces montants sont largement inférieurs aux pertes fiscales estimées à 270 millions par Revenu Québec uniquement pour 2017. De cette somme, 226,8 millions ont échappé au fisc québécois par l'entremise d'achats effectués à l'extérieur des frontières canadiennes.

«Nous commençons de façon prudente, s'est défendu le ministre des Finances, Carlos Leitao, en conférence de presse, en réponse à une question concernant les cibles fixées par son gouvernement. Je ne pense pas que cela serait prudent de dire que l'on va être capable d'aller chercher X millions de dollars.»

Les mesures annoncées par le gouvernement Couillard s'appliqueront aux biens incorporels comme les services offerts par Netflix et Spotify ainsi qu'aux fournisseurs canadiens qui n'ont pas de «présence physique significative» au Québec.

Peu de moyens

L'approche dévoilée dans le budget a reçu un accueil plutôt tiède des partis d'opposition, qui se demandent si Québec se donne vraiment les moyens de ses ambitions.

«C'est seulement 7 millions que l'on compte récupérer au cours de la prochaine année, a déploré le porte-parole caquiste en matière de finances publiques, François Bonnardel. En matière d'équité fiscale, je trouve qu'on en fait peu.»

On modifiera le régime de la TVQ et les entreprises et fournisseurs canadiens peu présents au Québec. Ceux-ci devront s'inscrire auprès de Revenu Québec, prélever les taxes de vente et ensuite les remettre au gouvernement québécois.

M. Leitao a dit s'attendre à ce que les géants du web collaborent avec l'État québécois.

Dans les faits, les mesures découlant de la mise en place du nouveau système ne s'appliqueront que le 1er janvier 2019 pour les entreprises établies à l'extérieur du Canada. Pour les sociétés présentes au pays, mais qui n'ont pas pignon sur rue au Québec, les changements entreront en vigueur le 1er septembre 2019.

Le budget Leitao souligne que des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour, qui ont déjà annoncé des mesures similaires, avaient prévu des délais d'une année ou deux avant l'entrée en vigueur des changements.

À la frontière

En ce qui a trait aux biens corporels achetés en ligne - comme des vêtements, accessoires et meubles - depuis l'extérieur, Québec dit avoir obtenu «des engagements» de l'Agence des services frontaliers du Canada pour faciliter la perception des taxes à la frontière. Sur cet aspect, le gouvernement Couillard dit s'être inspiré des recommandations de l'OCDE.

En principe, ce sont les douaniers canadiens qui doivent percevoir la TVQ sur les biens commandés depuis l'étranger. Toutefois, le commerce en ligne fait grimper le nombre de colis dans les centres de dédouanement et la taxe de vente n'est prélevée que sur une fraction des biens.

Un projet pilote sera mis de l'avant au centre de tri de Postes Canada à Montréal au cours des prochaines semaines pour corriger le tir.

«Avec l'ajout de ressources techniques et humaines, Postes Canada va déployer une nouvelle stratégie pour contrôler un plus grand nombre de colis», a dit M. Leitao, précisant que le gouvernement québécois ne finançait pas cette initiative.

Le critique péquiste en matière de finances, Nicolas Marceau, a critiqué cette mesure, estimant que le Québec allait continuer de dépendre des douanes canadiennes. Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a qualifié d'«archaïque» cette tentative de taxer les biens corporels à la frontière.

Par ailleurs, des amendes d'un maximum de 100 $ ou 50 % de la TVQ payable sur la transaction seront décernées aux consommateurs qui tenteront de contourner les règles en prétendant qu'ils ne résident pas au Québec.

Resserrements fiscaux

Par ailleurs, dans le but de récupérer 163,2 millions de plus d'ici 2022-2023, Québec mettra fin à une série d'échappatoires, principalement en matière de fiscalité internationale.

Il s'agit principalement d'une harmonisation à des mesures annoncées dans le dernier budget fédéral déposé en février et qui touchent principalement les sociétés étrangères affiliées.

Québec estime pouvoir parvenir à ses fins en disant avoir obtenu, auprès de l'Agence du revenu du Canada, un «véritable accès aux renseignements financiers et fiscaux internationaux».