Le réseau social Twitter interdit désormais aux comptes des médias russes RT et Sputnik de diffuser des contenus commandités en raison de soupçons d'ingérences dans le déroulement des élections américaines de 2016.

Cette décision est à «effet immédiat», a précisé Twitter jeudi sur son blogue officiel.

«Elle se fonde sur le travail rétrospectif que nous avons fait autour de l'élection américaine de 2016 et la conclusion à laquelle sont arrivés les services de renseignement américains que tant RT que Sputnik ont tenté d'interférer avec l'élection pour le compte du gouvernement russe», affirme Twitter, qui précise que les deux médias sont en revanche toujours autorisés à être présents sur le réseau via des tweets traditionnels.

Interrogé par une commission du Congrès américain enquêtant sur une possible ingérence russe dans l'élection américaine, un responsable de Twitter avait indiqué le mois dernier que RT (ex-Russia Today) avait «dépensé 274 000 dollars en contenus commandités aux États-Unis en 2016».

Moyennant finance, on peut cibler des messages sur les réseaux sociaux vers des audiences particulières grâce à des algorithmes. Ainsi, des tweets peuvent apparaître dans le fil Twitter de certains utilisateurs même s'ils ne sont pas abonnés à ces comptes. Ces tweets peuvent faire la promotion d'autres comptes, qui peuvent eux-mêmes diffuser des «fake news», par exemple.

Les trois comptes Twitter de RT «ont fait la promotion de 1823 tweets qui visaient de façon certaine ou probable le marché américain. Ces campagnes ciblaient des utilisateurs abonnés à des comptes de médias traditionnels et mettaient essentiellement en avant des tweets concernant l'actualité», détaillait alors le groupe basé à San Francisco (ouest des États-Unis).

Twitter estime avoir perçu 1,9 million de dollars de la part de RT depuis 2011 dans le monde, pour des contenus commandités, somme que le réseau social dit vouloir reverser à des chercheurs travaillant sur la façon dont Twitter peut être utilisé à des fins de manipulation politique.

Réagissant à la décision de Twitter, la rédactrice en chef de RT Margarita Simonian a déclaré à l'agence russe Ria Novosti: «Je dois reconnaître que je ne pensais pas que Twitter était géré par les services secrets américains, il me semblait que dire cela relevait de la théorie du complot, mais Twitter vient de le reconnaître lui-même».

«C'est très dommage. Il est surtout dommage que les médias américains en Russie, maintenant, vont probablement sentir la douceur des mesures de rétorsion russes», a-t-elle ajouté.

Le ministère russe des Affaires étrangères a aussi vivement réagi à cette annonce. «Nous considérons cela comme un geste agressif (...) qui est le résultat de la pression d'une partie de «l'establishment» américain et des services de renseignement. Des mesures de rétorsion, naturellement, vont suivre», a déclaré une porte-parole du ministère à Ria Novosti.

Pour sa part, Sputnik a, sur son site internet, qualifié la décision de Twitter de «regrettable». Son service de presse a aussi indiqué à l'AFP «n'avoir jamais fait de promotion sur Twitter».

Sputnik est suivi «par des gens qui en ont assez des médias traditionnels et qui cherchent une perspective alternative sur l'actualité», a-t-on ajouté de même source.

RT a également affirmé jeudi que Twitter l'avait incitée à payer des contenus commandités dans le cadre d'une opération de promotion de la couverture des élections américaines par la chaîne de télévision russe. RT indique avoir refusé à l'époque cette proposition en raison de son «prix excessif».

Les réseaux sociaux sont sous le feu des critiques depuis plusieurs mois, accusés d'avoir malgré eux servi de plateforme de propagande venue de Russie pendant la campagne électorale qui a mené à la victoire du républicain Donald Trump.