Les fournisseurs d'accès à l'internet indépendants auront bientôt accès à la version la plus rapide des réseaux des grands opérateurs comme Bell, Rogers, Cogeco ou Vidéotron pour offrir à leur tour des forfaits à très haute vitesse, a ordonné hier le CRTC. Mais à quel prix ?

Les fournisseurs d'accès à l'internet indépendants comme Ebox, Distributel, B2B2C, TekSavvy ou des dizaines d'autres, qui ont tous en commun d'utiliser une partie des réseaux des grands opérateurs, exigeaient depuis longtemps la possibilité d'obtenir accès aux portions les plus rapides de ces réseaux.

Concrètement, alors que Bell offre à de plus en plus de clients au Québec un accès grâce à une fibre optique qui se rend jusque dans leur domicile (« Fiber to the Home » ou FTTH en anglais), les revendeurs ne pouvaient offrir qu'un accès de type « Fiber to the Node » ou FTTN. Dans ce type d'architecture, la fibre optique s'arrête à la centrale du quartier et c'est un fil de cuivre qui relie celle-ci au domicile de l'abonné. La vitesse est par conséquent limitée.

Un problème similaire limitait l'accès aux réseaux de certains opérateurs utilisant le câble.

En fin de compte, les revendeurs utilisant le réseau de Bell étaient limités à offrir une vitesse maximale d'environ 50 mégabits par seconde (Mbps), alors que Bell elle-même offre des forfaits 20 fois plus rapides à 1 gigabit par seconde (Gbps) à certains clients. Sur le réseau de Vidéotron, capable lui aussi d'offrir 1 Gbps à certains endroits, les forfaits les plus rapides offerts par les principaux revendeurs sont de 200 Mbps.

UN PREMIER PAS

« C'est réjouissant parce qu'au moins, on a accès », a expliqué hier le président de B2B2C, Gilles Pichette, joint en pleine lecture de la décision.

« Nous ne sommes plus rendus à négocier simplement pour avoir l'accès, on va négocier les conditions. C'est déjà un grand, grand pas. » - Gilles Pichette

La bataille n'est toutefois pas gagnée. Dans une note envoyée hier après-midi à ses clients, l'analyste de Valeurs mobilières Desjardins Maher Yaghi indique que la décision n'est pas susceptible de changer la donne à court terme.

C'est que dans sa décision, le CRTC fixe aussi les prix de gros auxquels les grands opérateurs devront vendre l'accès à leur réseau, ce qu'il a fait de façon intérimaire.

« À notre avis, les tarifs intérimaires pour l'accès aux services FTTH ne sont pas assez bas pour avoir un impact négatif sur ce produit de Bell, écrit M. Yaghi. Par exemple, les nouveaux tarifs permettent à Bell d'exiger 121,79 $ par abonné (ce à quoi le fournisseur indépendant devrait ajouter des frais pour la capacité et le transport), en comparaison du prix de détail de 135 $ exigé par Bell au Québec et 125 $ en Ontario pour le même service à 1 Gbps. »

Ce qui est aussi étonnant, note M. Yaghi, c'est que le tarif intérimaire fixé par le CRTC est plus élevé que ce qu'avait proposé Bell elle-même.

Selon le CRTC, l'ouverture de l'accès, et les tarifs intérimaires associés, a été mise en place pour permettre aux fournisseurs d'offrir ce nouveau service le plus rapidement possible. Une décision définitive quant aux tarifs devrait venir au début de 2018.

Bell s'est déclarée satisfaite, hier, de la décision, tout en rappelant que l'organisme « doit avoir en tête les répercussions possibles des tarifs qu'il détermine sur les investissements dans les installations large bande de prochaine génération ». Bell a annoncé en mars un investissement de 854 millions de dollars pour faire passer 1,1 million d'adresses montréalaises à l'architecture FTTH.