Quand les organisations humanitaires débarquent en zone de crise, Google Maps leur est rarement utile. Les cartes du géant de l'internet, quand elles existent, manquent cruellement de détails. Différentes organisations ont donc créé Missing Maps («cartes manquantes»), un projet destiné à faciliter leurs interventions là où les cartes ne montrent que du vide.

L'idée de Missing Maps est née pendant l'épidémie de choléra qui a éclaté en Haïti quelques mois après le séisme de 2010, quand un chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) a été confronté à l'absence de données pour le guider dans le déploiement des ressources médicales.

«Tout ce qu'il avait, c'était une liste d'endroits d'où provenaient les patients, mais il n'avait aucune façon de savoir si ces endroits étaient voisins les uns des autres, s'ils étaient loin, en altitude, près d'une rivière; il n'avait aucune idée de l'étendue de l'épidémie, parce qu'il n'existe pas de carte [détaillée] d'Haïti», explique au bout du fil Pete Masters, coordinateur du projet Missing Maps chez MSF Royaume-Uni.

L'organisation s'est donc inspirée du travail effectué par l'Équipe de cartes humanitaires ouvertes (HOT, selon son acronyme anglais), une communauté internet qui avait commencé à cartographier les zones touchées par le séisme.

Or, si HOT excelle dans la cartographie des zones frappées par des désastres naturels ou sanitaires, comme Haïti ou plus récemment le Népal, il n'a pas vraiment la capacité d'agir dans les crises auxquelles MSF répond, affirme Pete Masters, expliquant que «Missing Maps a pour objectif d'élargir le travail fait par HOT pour inclure ces crises».

«Beaucoup plus qu'une carte»

Médecins sans frontières s'est donc associé à HOT ainsi qu'aux Croix-Rouge américaine et britannique pour lancer en novembre dernier le projet Missing Maps, dont les cartes sont «beaucoup plus» que de simples cartes, assure Pete Masters.

«C'est comme un mélange de Google Maps et de Wikipédia», illustre-t-il. En plus de localiser les infrastructures d'une région, les cartes de Missing Maps incluent aussi toutes sortes de renseignements pertinents pour les organisations qui les utilisent.

Surtout, il s'agit de données ouvertes, accessibles à tout le monde, contrairement aux cartes des géants de l'internet.

L'exemple d'Ebola

L'objectif de Missing Maps est aussi de cartographier «préventivement» des zones où les organisations humanitaires sont souvent appelées à intervenir.

À ce titre, Pete Masters estime que le plus grand projet de Médecins sans frontières, en ce moment, est de «cartographier la totalité de la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo», déchirée par des crises successives depuis plus de 20 ans.

Il donne l'exemple du Liberia, de la Guinée et de la Sierra Leone, que la communauté HOT a entrepris de cartographier lorsque l'épidémie d'Ebola s'est déclarée.

«Je ne veux pas dire que l'épidémie d'Ebola ne serait pas arrivée s'il y avait eu des cartes, mais certains disent que ça aurait été beaucoup plus facile d'intervenir et qu'ils auraient été plus efficaces s'ils avaient eu accès à de telles données plus tôt.»

Cartographier des zones aussi difficiles d'accès nécessite des ressources humaines considérables, mais une partie du travail peut être faite de n'importe où dans le monde par pratiquement n'importe qui: tracer les routes à partir d'images satellites. Ensuite, des bénévoles locaux récoltent sur le terrain l'information à inclure dans les cartes. Enfin, des gens ayant des connaissances un peu plus poussées en cartographie terminent les cartes. Actuellement, une cinquantaine de projets de cartographie sont en cours, mais les besoins sont pratiquement illimités. D'ailleurs, Missing Maps recrute des bénévoles - «que vous ayez 5 minutes ou 5 jours», selon son site internet.