De Tencent à Alibaba, les géants chinois de l'internet ambitionnent de bouleverser l'industrie automobile en participant à l'élaboration des voitures du futur: des véhicules électriques ou bien ultra-connectés pour offrir en chemin aide à la navigation... et conseils de magasinage.

Depuis quelques mois, les annonces se multiplient: Alibaba, numéro un chinois du commerce en ligne, tout comme Tencent, propriétaire de la populaire messagerie WeChat, ou encore LeTV, opérateur d'une plateforme de vidéo en continu, affichent tous des projets de véhicules à la fine pointe de la technologie.

Ce qui n'est pas sans rappeler les mastodontes Google et Apple dans la Silicon Valley --auxquels les groupes chinois emboîtent ostensiblement le pas.

BAIC Motor, cinquième plus gros constructeur chinois, n'est pas peu fier de son partenariat nouvellement dévoilé avec LeTV: son stand au salon automobile de Shanghai cette semaine propose le véhicule-concept envisagé.

Les deux sièges à l'avant sont équipés d'un volant, sur un tableau de bord futuriste dont les multiples écrans de contrôle évoquent un univers de science-fiction.

«À l'heure d'internet, l'industrie automobile doit faire face à une gigantesque révolution», assure Jia Yueting, directeur général de LeTV, dans un microblogue.

«Les constructeurs chinois pourraient surpasser (dans ce domaine) les géants traditionnels européens, américains, japonais et coréens» --dont les marques écrasent toujours le marché chinois--, poursuit M. Jia.

Selon une vidéo promotionnelle, la «voiture LeTV» sera équipée de fonctionnalités telles que la reconnaissance par capteurs de gestes du conducteur, des programmes permettant de se garer en autocontrôle, et le déverrouillage des portières par empreintes digitales.

LeTV dit également projeter un véhicule électrique.

Mais de l'avis des spécialistes, au-delà des nouveaux gadgets, tout cela apparaît bien vague.

«Pour le moment, nous n'avons rien vu de semblable, on n'en est encore qu'au stade de la conception de produits», commente Namrita Chow, analyste de l'institut IHS Automotive.

Autonome et ultra-connectée

En comparaison, bien plus ambitieux apparaissent les projets de développement de Google --qui travaille sur une voiture autonome dite «sans conducteur»--, et d'Apple qui, selon de nombreux médias, oeuvre à concevoir une voiture 100% électrique.

Or, certains groupes chinois entendent également s'inscrire sur cette lancée.

En Chine, Baidu, premier moteur de recherche de l'internet local, a annoncé travailler avec des «partenaires industriels» non identifiés pour introduire très prochainement un véhicule autonome.

Quant à Alibaba, riche des 25 milliards de dollars levés lors de sa fracassante introduction boursière à New York l'an dernier, il dit plancher sur une «voiture intelligente».

C'est-à-dire utilisant ses différentes ressources technologiques pour proposer dans l'habitacle services de commerce électronique (avec références des boutiques ou points de stockage les plus proches), divertissements numériques, cartographie et outils de communication.

Alibaba, d'une certaine manière, a d'ailleurs déjà un pied dans le secteur automobile: il accueille des constructeurs sur sa plateforme de vente en ligne Tmall, et il s'est lancé récemment, avec une coentreprise de GM en Chine, dans le crédit auto et les services après-vente souscrits sur internet.

Groupes étatiques à la rescousse

Certes, en dépit de toutes les mesures incitatives, les ventes de véhicules électriques ou hybrides restent très limitées en Chine (moins de 1% du marché).

Mais Pékin, dans ses efforts pour endiguer la pollution, continue de soutenir activement les initiatives sur ce créneau.

Alibaba et LeTV se sont d'ailleurs associés à de puissants constructeurs sous contrôle étatique. Étrange mariage pour ces firmes de haute technologie privées, mais qui leur permet de se lancer dans un premier temps avec des voitures équipées de moteurs classiques.

L'allié d'Alibaba n'est autre que SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation), le premier constructeur du pays --avec 23% de parts de marché--, partenaire de longue date de Volkswagen et de General Motors.

«Internet est devenu une fonctionnalité incontournable des futures voitures», relève Jing Lei, chef ingénieur de SAIC, cité dans un communiqué.

Quant à BAIC Motor, le partenaire de LeTV, c'est l'entité cotée d'un groupe public répondant directement du gouvernement central.

«La production de telles voitures dépendra de la demande», a prudemment indiqué à l'AFP un officiel de BAIC, tout en estimant qu'on pourrait envisager une mise sur le marché «d'ici à deux ans».

Tencent, rival d'Alibaba, élabore lui aussi un plan de bataille sur les voitures «intelligentes» et ultra-connectées, mais aux côtés de Foxconn --fournisseur électronique d'Apple-- et du concessionnaire d'automobiles de luxe China Harmony Auto.

Une coopération «à un stade très préliminaire», selon Tencent.

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