L'éditeur de sites internet Aufeminin a fait du partage de ses contenus sur les réseaux sociaux comme Facebook l'axe principal de sa stratégie, mais réclame un «marché plus équitable» aux géants américains pour le partage des revenus publicitaires.

«Aujourd'hui il ne faut plus seulement attirer l'attention du lecteur mais l'attention des ''amis'' des lecteurs», pour voir ses contenus partagés de façon virale sur les réseaux sociaux, explique dans un entretien à l'AFP Marie-Laure Sauty de Chalon, PDG de la start-up parisienne dont le premier actionnaire est le groupe allemand Axel Springer.

Les contenus ne sont plus seulement lus par des gens qui cherchent sur l'internet les sites du groupe comme Aufeminin et Marmiton (recettes de cuisine) en France, Netmums, le premier site parental en Grande-Bretagne, ou Onmeda, le site médical allemand, «les contenus ont quitté nos plateformes, c'est une source incroyable d'augmentation de nos audiences», selon la chef d'entreprise.

Mais cette «chance extraordinaire pour les éditeurs est aussi une difficulté», du fait d'une nouvelle dépendance envers ces plateformes, explique l'ancienne publicitaire qui donne à Sciences Po un cours sur les «médias mutants».

Après de nombreux essais, «on est arrivé à la conclusion que le partage n'était pas seulement dû à un choix de sujets mais aussi à une plateforme technologique».

Ces technologies permettent «de détecter des tendances, de tester des sujets, de comprendre ce qui se ''like'' et ce qui se partage». Par exemple, l'article «Les choses que les femmes voudraient que les hommes sachent», sur le site américain du groupe, wewomen, a fait, grâce à la viralité, 3,3 millions de vues, soit deux fois plus que le site entier en deux ans.

Dans cette optique, Aufeminin, a réalisé le mois dernier sa plus grosse acquisition, Livingly Media, éditeur américain de contenus centrés sur les «modes de vie» pour une somme initiale de 25 millions d'euros, qui pourrait monter jusqu'à 50 millions.

L'acquisition de cette start-up en pointe sur ces technologies de viralité va permettre au groupe «d'apprendre des choses, de grandir aux États-Unis» qui représentent désormais 34 % de son audience et 16 % de son chiffre d'affaires.

Aujourd'hui «nous ne sommes plus vraiment un média mais plutôt des outils technologiques, qui permettent à nos communautés [centrées autour de sujets comme la beauté, le luxe, la parentalité etc...] de communiquer», souligne-t-elle.

«Un marché plus équitable»

Pourtant, la cohabitation avec Facebook ou Google n'est pas sans problème. Ces deux plateformes, qui fournissent en moyenne plus de la moitié du trafic internet des médias, «ne sont pas transparentes et essaient de récupérer la totalité des revenus publicitaires», déplore la patronne d'Aufeminin.

«On ne peut que s'effrayer de la concentration, par exemple, 70 % de la publicité mobile est captée par Google et Facebook. Mais c'est à nous de nous battre, d'être les meilleurs pour essayer de récupérer notre part de marché», insiste-t-elle.

«Certes, Google est assez prédateur pour les médias, mais il vous amène du trafic, des revenus par Adsense [la régie publicitaire de Google] et cela a permis aussi aux acteurs d'étendre leur influence».

Alors que l'appétit de Facebook grandit à mesure qu'il devient indispensable aux médias, la responsable dit combattre «très fortement le fait que Facebook aujourd'hui diffuse des vidéos sans avoir dépensé un centime et ensuite les monétise sans reverser une part de chiffre d'affaires aux éditeurs».

«Il faut que les nouvelles plateformes de réseaux sociaux apportent aussi des revenus et qu'il y ait un marché plus équitable», réclame-t-elle.

L'autre défi qui se pose au groupe au cours des cinq prochaines années, c'est de se lancer en Asie où «les réseaux sociaux pèsent deux fois le poids les États-Unis».

«Nous ne partirons pas tous seuls, notre déploiement passera par des partenariats ou par des acquisitions», anticipe Marie-Laure Sauty de Chalon.

Aufeminin, qui affiche une audience mondiale de 33 millions de visiteurs uniques et une marge de rentabilité de quelque 30 %, doit publier ses résultats financiers pour 2014 le 11 mars.