Le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré jeudi compétent pour juger le réseau social Facebook dans un conflit l'opposant à un internaute, alors que le géant du NET prétendait n'avoir de compte à rendre qu'à la justice américaine.

Dans son ordonnance, le tribunal a notamment jugé «abusive» la clause exclusive de compétence, obligatoirement signée par tous les utilisateurs de Facebook, qui désigne un tribunal de l'État de Californie, où siège l'entreprise, comme étant le seul habilité à trancher les litiges.

Le géant américain est assigné en justice par un instituteur français, père de trois enfants qui lui reproche d'avoir censuré son compte sur lequel il avait posté une photo du tableau de Gustave Courbet, «L'origine du monde» représentant un sexe féminin.

Lors de l'audience du 22 janvier, l'avocate de Facebook, Caroline Lyannaz, a contesté la compétence du tribunal français pour juger cette affaire en expliquant que l'internaute avait accepté en s'inscrivant sur le site des conditions générales d'utilisation qui prévoit la seule compétence d'un tribunal américain pour trancher les litiges.

«Si je comprends bien et si l'on suit votre logique, aucun des 22 millions d'usagers de Facebook en France ne pourra jamais saisir une juridiction française civile en cas de litige», avait dénoncé l'avocat de l'internaute, Stéphane Cottineau, en évoquant «une clause abusive».

Interrogée par l'AFP, l'avocate s'est félicitée de cette «vraie victoire»: «C'est une première manche gagnée par David contre Goliath», a-t-elle affirmé, estimant que «cette décision va faire jurisprudence pour les autres réseaux sociaux et autres géants du net qui utilisent l'implantation à l'étranger de leur siège social, principalement aux États-Unis, pour tenter d'échapper à la loi française».

«Nos équipes prennent actuellement connaissance de la décision du tribunal et ne sont donc pas en mesure de la commenter pour le moment», a indiqué Facebook dans un communiqué.

Le géant du NET a toutefois précisé à l'AFP que l'affaire de «L'origine du monde» datant de 2011, «les standards de la communauté ont depuis évolué» et acceptent désormais «la publication de contenus artistiques, à l'exception de photographies, montrant des nus».

Le tribunal a fixé l'examen au fond de l'affaire de l'origine du monde au 21 mai.

Cette décision de justice intervient alors que le gouvernement recherche de nouveaux outils pour lutter contre les dérives de messages haineux sur internet, en responsabilisant notamment les réseaux sociaux, hébergeurs et fournisseurs d'accès. Parmi les pistes évoquées, les autorités ont avancé l'idée d'obliger les réseaux sociaux à disposer d'une domiciliation juridique en France pour simplifier les poursuites.