Naviguer sur internet ou y regarder des vidéos, le tout sans pub? L'utilisation de plus en plus répandue de logiciels bloqueurs de réclames inquiète les éditeurs de sites web et les acteurs de la publicité, principale source de financement des contenus, qui commencent à riposter.

Gratuits et facilement téléchargeables, ces petits programmes, dont le plus célèbre, Adblock Plus, permettent d'équiper son navigateur internet (Chrome, Firefox, Safari, etc.) en quelques clics.

Dès lors, presque plus de bannière publicitaire qui clignote, ni de notification «pop up» qui masque l'écran ou de préroll (court spot  diffusé avant une vidéo, NDLR). Ce rêve d'internaute vire de plus en plus au cauchemar pour les éditeurs de sites web.

D'abord confidentielle et limitée aux publics jeunes ou fondus de high-tech, cette pratique se répand : à l'échelle mondiale, ils sont 144 millions d'utilisateurs actifs à bloquer la publicité, selon le rapport de septembre 2014 de PageFair et Adobe (+69% en un an) qui évalue chaque année le phénomène.

En France, le logiciel Adblock Plus revendique près de 5 millions d'utilisateurs actifs, 2 millions au Royaume-Uni et 1,5 en Espagne. En fonction des sites, le pourcentage de visiteurs équipés d'un logiciel de ce type va de 10% à 60%.

En face, la riposte se met peu à peu en place.

«Ce n'est plus un détail, ça concerne tous les éditeurs. Il y a une perte de ressources publicitaires de nos membres qui est évaluée de 20 à 40%», explique à l'AFP Laure de Lataillade, directrice générale du GESTE, organisme qui fédère les créateurs de sites, tous horizons confondus (médias, vidéo, musique, jeux et petites annonces).

Selon l'Observatoire de l'e-pub du Syndicat général des régies internet (SRI), les bannières et les vidéos ont représenté un chiffre d'affaires net de 394 millions d'euros en France au 1er semestre 2014 (+ 4 % par rapport à 2013), soit 27 % du marché de la publicité en ligne (1,4 milliard d'euros au total). Les liens commandités (search) représentant toujours plus de 50 % du marché.

En attendant une éventuelle action en justice, actuellement à l'étude contre les bloqueurs de publicité, les réponses des sites web aux internautes allergiques à la pub sont disparates.

Lecture «non autorisée»

Entre pédagogie et contre-attaque, l'Equipe.fr bloque la lecture des vidéos et affiche un message à la place : «Lecture non autorisée. L'Equipe.fr est financé par la publicité, ce qui nous permet de vous proposer nos contenus gratuitement». S'il désactive son logiciel anti-pub, l'internaute pourra lire à nouveau les vidéos.

«Il faut qu'on arrive à trouver un modèle économique. Soit l'internaute paye avec un modèle premium, soit c'est gratuit mais il accepte la pub», estime Xavier Spender, directeur général adjoint du groupe L'Équipe.

D'autres sites, comme Skyrock, préfèrent une simple explication sur l'emplacement publicitaire bloqué sans empêcher l'accès: «Tu soutiens Skyrock? Vire les Adblocks ! Si Skyrock est gratuit, c'est grâce à la pub.»

«On est parti d'une énorme incompréhension en laissant croire que le web était gratuit. Alors qu'il n'y a jamais eu de problème avec les spots publicitaires à la télévision ou à la radio», abonde Hélène Chartier, directrice générale du SRI.

Selon les professionnels du secteur, le problème des Adblocks doit aussi conduire à une réflexion sur des formats de publicités moins intrusifs.

«D'autant que l'usage du mobile est en hausse et qu'il y a de moins en moins de place et de tolérance pour la publicité», souligne David Lacombled, président de l'IAB France, une organisation qui regroupe les acteurs de la pub sur internet.

Preuve de l'importance du sujet, le géant du web Google vient de lancer une alternative à la publicité sur la toile. Baptisée Google Contributor, elle permet, en échange de quelques dollars (1 à 3 dollars par mois) destinés aux sites concernés, d'être dispensé de réclames sur ces derniers.

«Que diriez-vous d'un soutien direct aux créateurs des sites que vous visitez chaque jour?», interpelle le moteur de recherche sur une page dédiée, taxant au passage une commission.

Cette «expérimentation» de Google a été lancée avec une dizaine de sites aux États-Unis, tels que Mashable, Sciences Daily ou The Onion.