Le président turc Recep Tayyip Erdogan a une nouvelle fois exprimé son hostilité envers internet et les réseaux sociaux en confessant à une délégation du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qu'il s'en méfiait «de plus en plus».

«Je suis chaque jour de plus en plus opposé» à internet, a lâché jeudi soir à ses visiteurs M. Erdogan, cité vendredi dans un communiqué du CPJ.

Son conseiller de presse a toutefois démenti le sens prêté par l'ONG à ces propos.

«Il a simplement voulu attirer l'attention sur le fait que les réseaux sociaux pouvaient être utilisés comme un instrument de propagande par l'EI (État islamique) et d'autres organisations», a affirmé Lutfullah Göktas, cité par l'agence pro-gouvernementale Anatolie.

«Il a ensuite souligné que c'était une tendance inquiétante qui le préoccupait de plus en plus», a poursuivi M. Göktas, «cela n'a rien à voir avec être «anti-internet»».

Cette rencontre s'est déroulée alors que la Cour constitutionnelle a annulé jeudi plusieurs dispositions d'une nouvelle loi qui autorisait l'autorité de régulation des télécommunications (TIB) à bloquer des sites internet sans décision de justice, afin de «protéger la sécurité nationale et l'ordre public ou empêcher un crime».

M. Erdogan a défendu sa loi en affirmant que des «organisations criminelles et terroristes», dont le groupe Etat islamique (EI) qui se trouve aux portes de la Turquie en Syrie et en Irak, recrutaient des combattants sur le net, selon le CPJ.

Le ministre de la Communication, Lütfi Elvan, a de son côté dénoncé l'arrêt de la plus haute instance judiciaire du pays. «La Turquie ne dispose désormais plus de mécanisme pour intervenir immédiatement en cas d'infractions», a-t-il déploré devant la presse.

Reporters sans frontières (RSF) a par contre salué cette décision de la Cour qui, selon son représentant régional Johann Bihr, «rappelle que les impératifs de sécurité nationale doivent être contrebalancés par le respect de la liberté d'expression».

Lors de son entretien avec M. Erdogan, le CPJ s'est aussi inquiété des pressions visant les journalistes en Turquie.

M. Erdogan a réfuté toutes ces critiques. «Les médias ne devraient jamais avoir la liberté d'insulter», a-t-il plaidé.

Le chef de l'État s'en prend régulièrement et publiquement aux médias qui le critiquent.

Pour faire taire les accusations de corruption lancées contre lui à la veille des élections municipales de mars, M. Erdogan avait ordonné le blocage de Twitter et de YouTube, provoquant une levée de boucliers en Turquie et à l'étranger. Il avait été contraint de faire marche arrière sur injonction de la justice.

Son gouvernement avait aussi fait voter par le Parlement une loi controversée renforçant le contrôle d'internet.

Dans un rapport publié en décembre, le CPJ avait estimé que la Turquie restait la première prison au monde pour les journalistes, en recensant 40 derrière les barreaux, la plupart pour leur proximité supposée avec les mouvements rebelles kurdes.