En Corée du Sud, l'infidélité conjugale est punie par la loi. Ça n'a pas empêché le fondateur d'un site internet de rencontres adultères d'y implanter son entreprise et de croire à son succès.

Lancée le mois dernier, la version sud-coréenne du site canadien AshleyMadison.com se targue d'avoir attiré 46 000 abonnés en une semaine et vise à terme 500 000 membres, soit 1 % de la population du pays.

Le site, qui a pour slogan «La vie est courte. Prenez un amant ou une maîtresse», existe dans 35 pays, y compris en Asie (Inde, Japon, Hong Kong).

Mais la Corée du Sud est un cas à part: une loi datant de 1953 y criminalise les relations extraconjugales.

Noel Biderman, fondateur du site, juge ce texte «incroyablement périmé» mais il s'est bien gardé de venir en Corée pour la cérémonie de lancement, suivant ainsi le conseil de ses avocats.

Il affirme que son site se contente de faciliter une activité universelle, qui fleurit dans toutes les couches sociales et tous les pays.

«L'infidélité existe dans la culture asiatique, de la même manière qu'elle existe dans les autres cultures à travers le monde», déclare-t-il à l'AFP par téléphone depuis New York.

Un site «problématique»

Ses arguments n'ont pas convaincu les autorités de Singapour, dont l'Autorité des médias a interdit le site en novembre dernier, estimant qu'il minait «les valeurs familiales et la moralité publique» de la cité-Etat.

Comme Singapour, la Corée du Sud est un pays riche et moderne, et très conservateur.

La commission coréenne des normes et communications (KCSC), chargée de réguler et censurer l'internet, «surveille de près» AshleyMadison depuis son lancement, indique à l'AFP Song Myung-Hoon, un responsable de l'agence.

«Nous savons que ce site est problématique et nous discutons en interne de ce que nous devons faire», ajoute le responsable, reconnaissant cependant que le site en lui-même n'est pas criminel.

Car l'adultère ne peut être poursuivi en justice que sur plainte d'une tierce personne et les poursuites sont abandonnées si le plaignant se rétracte.

Le ou la condamné(e) risque jusqu'à deux ans de prison ferme, mais il écope le plus souvent d'une peine avec sursis. Et le nombre de peines fermes diminue chaque année: 216 en 2004, 42 en 2008.

Mais la loi n'a jamais été abrogée, malgré une dizaine de demandes déposées auprès de la Cour constitutionnelle. Et l'opinion ne paraît pas vraiment se mobiliser pour en réclamer la suppression.

En 2011, un pasteur a été condamné à 18 mois fermes pour avoir entretenu une liaison conjugale pendant dix ans avec une femme mariée dont il avait d'ailleurs célébré le mariage. La plainte avait été déposée par l'époux trompé.

Infidèle en toute discrétion

Les groupes de défense des valeurs familiales  ont dénoncé l'arrivée d'AshleyMadison dans le pays. «C'est grotesque, d'un point de vue légal et moral», s'indigne Lee Kum-Sook, un des responsables de l'association Healthy Family (famille en bonne santé).

«L'adultère est un crime punissable ici, même si les gens le pratiquent en secret. En faire la publicité ouvertement sur internet ne fera qu'empirer la situation», ajoute M. Lee.

«Le fait est que les gens seront toujours infidèles, que cela soit autorisé ou interdit», rétorque le fondateur du site.

Selon lui, il vaut mieux rencontrer son partenaire illégitime via le site que sur le lieu de travail, «où l'on risque d'être découvert, humilié et renvoyé». «En fait, notre site aide les gens à ne pas finir au tribunal».

AshleyMadison a séduit pas mal d'amateurs depuis son démarrage en mars. Le profil d'une femme mariée en quête d'aventures, créé par les journalistes de l'AFP, a attiré 60 réponses en 24 heures: des hommes de 20 à près de 60 ans, dont la plupart se disent mariés.

«Je suis marié et je suis toujours tellement sous tension, car je dois prendre en charge cinq personnes de ma famille», s'épanche un homme de 55 ans. «Je veux une petite amie».

La prostitution est interdite sur le site, qui serait immédiatement fermé par les autorités si elles découvrent ce genre d'activité.

Les modérateurs du site veillent, explique Noel Biderman. «Ce n'est pas un bordel en ligne. C'est un réseau social pour des gens qui veulent la même chose».