Les internautes au Brésil se sont félicités du vote en première lecture d'une nouvelle loi de régulation d'internet qui garantit la confidentialité aux usagers.

Ce «Cadre civil», adopté par la Chambre des députés dans la nuit de mardi à mercredi, est «une Constitution pour internet, qui vise à garantir un réseau libre et ouvert, c'est une victoire de la société civile», a déclaré à l'AFP Sergio Amadeu da Silveira, de l'Association brésilienne de chercheurs en cyberculture.

«Tandis que dans certains pays on adopte des lois qui criminalisent les comportements, celle-ci définit des droits et garantit la liberté d'internet», a-t-il ajouté.

Ce projet de loi doit désormais passer devant le Sénat. Il a été impulsé par le gouvernement et est devenu plus crucial encore après les révélations de l'informaticien américain Edward Snowden quant à l'espionnage des États-Unis sur des millions de Brésiliens, dont leur présidente Dilma Rousseff elle-même.

«Le Cadre civil est un instrument de la liberté d'expression, de la confidentialité de l'individu et du respect des droits de l'Homme, a twitté mercredi Mme Rousseff. Il montre le rôle majeur du Brésil sur un sujet débattu dans le monde entier: la sécurité, la confidentialité et la pluralité du réseau».

Une rupture 

Le vote de la loi intervient à moins d'un mois d'une conférence internationale convoquée par le Brésil fin avril à Sao Paulo, destinée à débattre d'un modèle pluriel et ouvert de gouvernance mondiale d'internet, un cheval de bataille de Mme Rousseff, qui préside l'un des pays qui compte le plus d'internautes avec une estimation de 100 millions.

Cette conférence, rassemblant des représentants de gouvernements, d'usagers, d'entreprises et d'universités, «posera un jalon pour confirmer les valeurs de l'humanité, comme le droit au secret, la liberté d'expression, la pluralité et l'accès à l'information», a affirmé à l'AFP Marcelo Bechara, membre du Comité de gestion de l'internet brésilien, l'agence gouvernementale qui regroupe tous les secteurs concernés.

«Il pourrait bien marquer une rupture dans le débat sur l'avenir de la gouvernance mondiale d'internet, a-t-il aussi avancé. Le Brésil est sous les projecteurs et peut inspirer certains modèles».

Ce Cadre civil établit des droits et devoirs pour les pouvoirs publics, les entreprises et les usagers du web.

Il garantit la liberté d'expression et la protection de la confidentialité de l'usager contre toute violation et utilisation indue de ses données. Il institue aussi ladite «neutralité du réseau», combattue par de grands groupes de télécommunications, qui interdit aux fournisseurs d'accès de moduler la vitesse de connexion ou le coût pour l'usager en fonction du contenu consulté (prix plus élevés pour les vidéos ou les sites de concurrents, par exemple).

Pour aboutir à l'approbation de la loi, débattue pendant des mois, le gouvernement a dû renoncer à exiger à des entreprises comme Google qu'elles stockent les informations concernant les usagers dans des centres de données brésiliens, une mesure qui était censée répondre à l'espionnage. Les grandes entreprises concernées avaient objecté que cela induisait un coût trop important sans améliorer la sécurité des données.

'Peuple 1 - télécoms 0'

Dans une déclaration envoyée à l'AFP, Google a estimé que le projet de loi voté «prenait en compte de manière adéquate tous les participants de l'écosystème en ligne». «Il pourra constituer une base solide pour encourager un Internet libre et équilibré, terrain fertile pour l'innovation et la liberté d'expression», a ajouté le géant américain.

«Le peuple 1 - les entreprises de télécommunications 0», a écrit de son côté le groupe Avaaz, spécialisé dans les pétitions publiques en ligne, qui avait remis au Parlement brésilien 350 000 signatures pour demander l'approbation du Cadre civil. Parmi ces signataires se trouvait Gilberto Gil, ex-ministre de la Culture et célèbre chanteur brésilien.

Une critique est cependant apparue de la part d'internautes et du collectif «Mega Nao» (méga-non) sur Facebook, qui défend la liberté sur Internet: le projet de loi oblige les fournisseurs d'accès à conserver les données de navigation pendant au moins six mois, même si l'on ne peut y avoir accès que sur décision judiciaire.