Les entreprises européennes de sécurité informatique sont venues nombreuses au salon Cebit de Hanovre (nord de l'Allemagne), dans l'espoir de tirer profit des révélations sur les écoutes de la NSA, qui pourraient inciter les entreprises à dépenser plus pour se protéger.

L'an dernier, à l'occasion de l'ouverture de ce salon, le plus grand au niveau mondial pour les hautes technologies, la chancelière Angela Merkel exhibait avec fierté son nouveau téléphone intelligent ultra-sécurisé, flanqué de l'aigle, emblème de l'Allemagne.

Depuis, les révélations d'Edward Snowden sur le système d'écoute à grande échelle de l'agence de renseignement américaine NSA, ayant notamment ciblé un portable de la chancelière, sont passées par là et la société allemande Secusmart, qui s'occupe de la sécurité des téléphones du gouvernement allemand, assure avoir été contactée par plusieurs autres gouvernements. Son patron Hans-Christoph Quelle ne souhaite cependant pas les nommer.

«L'encodage des conversations téléphoniques était considéré comme destiné aux geeks, mais Snowden a changé les choses», explique à l'AFP le patron de la petite société de Düsseldorf, fondée en 2007.

Cette année, Secusmart présente, avec le britannique Vodafone, une application permettant à une entreprise de sécuriser toutes ses communications téléphoniques, y compris les conférences à distance. Grâce à cette application et au fait que «la demande pour sécuriser les conversations a augmenté de façon spectaculaire», Secusmart compte croître de 20%.

Et elle n'est pas la seule à vouloir bénéficier de l'affaire NSA. Sans surprise, un hall entier est consacré à la sécurité informatique au Cebit, avec pas moins de 500 entreprises présentes, surtout européennes et asiatiques.

En distillant le doute sur la confidentialité de toute donnée dans l'univers numérique, le scandale des écoutes américaines «a montré aux consommateurs partout dans le monde l'importance de la protection des données», explique à l'AFP Dieter Kempf, président de la fédération allemande de la haute technologie Bitkom. D'ailleurs, selon l'observatoire européen des technologies de l'information (EITO), deux tiers des entreprises européennes veulent investir dans la sécurité.

Régionalisation des données

D'après Oliver Rochford, analyste au cabinet Gartner, les révélations sur la NSA et les discussions qui en découlent au niveau européen «vont offrir des opportunités aux sociétés européennes (disposant) de produits matures». Il en parle même comme d'un «signal d'alarme» pour l'Europe, un terme également utilisé par la commissaire européenne chargée de la société numérique Neelie Kroes, en visite au Cebit.

Toutefois, pour les entreprises de sécurité informatique, l'enjeu est délicat et à double tranchant.

«Il ne faut pas vendre en faisant peur», estime Michael Goedeker, directeur des ventes de la société britannique Sophos. D'après lui, le premier impact de cette affaire est que «beaucoup de personnes sont devenues très suspicieuses», ce qui peut faire fuir des clients.

Première touchée par cette perte de confiance, les acteurs de la haute technologie américaine pourraient perdre jusqu'à 180 milliards de dollars de chiffre d'affaires d'ici 2016, selon le cabinet Forrester Research.

Pour rassurer, exactement 25 ans après la création d'internet, à vocation intrinsèquement mondiale, certains ont opté pour la promotion d'un ancrage régionalisé des données numériques.

En présentant à Hanovre son offre télécoms pour les entreprises allemandes de taille moyenne, l'opérateur allemand Deutsche Telekom leur promet un cloud «Made in Germany», avec détail de l'emplacement de ses centres de stockage de données dans le pays. Le groupe a aussi un partenariat avec les deux autres gros fournisseurs allemands de messagerie électronique pour sécuriser les courriels entre eux, une initiative aussi baptisée «Email made in Germany».

Le débat généré par les dénonciations d'Edward Snowden est indéniable. Les espoirs des sociétés informatiques européennes d'en profiter sont cependant confrontés aux budgets informatiques serrés des entreprises, met en garde Tom Reuner, analyste chez Ovum. «C'est comme une assurance, est-ce que vous êtes prêts à payer le premium ? Pas toujours».