Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a balayé mardi les vives critiques qui visent la nouvelle loi renforçant le contrôle de l'internet et assuré qu'elle visait d'abord la «cyber-intimidation» de ses adversaires politiques.

«Personne ne sera enregistré. Personne ne verra ses données personnelles sur l'internet répertoriées, ni sa liberté, violée», a promis M. Erdogan.

Lors de sa harangue hebdomadaire devant les députés de son Parti de la justice et du développement (AKP), le chef du gouvernement islamo-conservateur s'en est également pris à tous ceux qui, notamment à l'étranger, ont dénoncé le caractère «liberticide» du texte. «Nous n'avons de leçons à recevoir de personne», a-t-il lancé.

M. Erdogan a justifié ces amendements à la loi de 2007 sur l'internet par la nécessité de faire taire le «chantage» exercé, selon lui, par ses rivaux sur le web.

«Il existe sur l'internet un monde où les cyber-intimidateurs font n'importe quoi», a-t-il dénoncé, «c'est par ces mesures que nous luttons contre ça».

Le Parlement turc a voté la semaine dernière une série de mesures qui accordent à l'autorité gouvernementale des télécommunications (TIB) la possibilité de bloquer un site internet, sans décision de justice, s'il porte «atteinte à la vie privée» ou publie des contenus «discriminatoires ou insultants à l'égard de certains membres de la société».

Largement dénoncé comme un nouveau pas vers la «censure» du net, ce texte a suscité de nombreuses critiques et l'inquiétude de nombreuses capitales étrangères.

L'opposition turque et de nombreuses ONG de défense de la liberté d'expression ont demandé au président turc Abdullah Gül de ne pas le promulguer.

Depuis plusieurs jours, les médias favorables au gouvernement ont accusé un «lobby du porno» d'être à l'origine de ces critiques.

Pressions sur la presse

Cette controverse intervient au moment où le gouvernement se débat depuis près de deux mois dans un scandale de corruption sans précédent.

M. Erdogan a accusé ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen de manipuler les enquêtes de justice qui visent ses proches pour le déstabiliser avant les municipales de mars et la présidentielle d'août.

Ces dernières semaines, de nombreuses informations relatives à cette affaire et des extraits de conversations téléphoniques mettant en cause les interventions du pouvoir pour l'étouffer ont été publiées, notamment sur des sites internet.

Lors d'une intervention télévisée d'une rare franchise en Turquie, le rédacteur en chef du quotidien Habertürk, Fatih Altayli, a déploré lundi soir que «la dignité du journalisme était foulée aux pieds» dans son pays.

«Tous les jours, les instructions pleuvent», a-t-il renchéri, «tout le monde a peur».

Un journaliste azerbaïdjanais travaillant pour le quotidien Zaman, proche des réseaux «gulenistes», a été expulsé vendredi de Turquie pour une série de «tweets» dénonçant les turpitudes du gouvernement.

M. Erdogan a implicitement démenti mardi être à l'origine de cette décision. «Je n'utilise pas Twitter, je ne tweete pas», a-t-il dit au Parlement, «je n'ai pas autant de temps libre».

Selon le site spécialisé turc Bianet, 143 journalistes ont été licenciés en 2013, la plupart pour leurs sympathies supposées avec la fronde antigouvernementale de juin dernier.