Rares sont les touristes passés à Lulea, petit port de Suède proche du cercle polaire, et pourtant des centaines de millions de gens y ont laissé une trace, stockée sur les serveurs informatiques de Facebook.

En juin, le géant d'internet a inauguré là-haut, à plus de 700 km au nord de Stockholm, son premier centre de données en dehors des États-Unis.

Il a été attiré par le climat, au propre comme au figuré. «Le climat positif pour les affaires a été une raison importante quand nous avons décidé de nous implanter à Lulea», souligne Joel Kjellgren, qui à 32 ans gère ces installations aussi grandes que cinq terrains de football.

L'énergie, stratégique pour le secteur, est aussi un point fort d'une ville alimentée presque entièrement par l'hydroélectricité, et qui n'a pas connu de coupure de courant importante depuis la fin des années 1970.

Un investissement de 103 millions de couronnes (16,2 millions de dollars) de l'État a donné un coup de pouce.

Enfin, il y a le climat subarctique, grâce auquel la température moyenne reste sous les 10° neuf mois par an. La plupart du temps, c'est le vent qui rafraîchit Facebook gratuitement, ce qui modère la facture que génèrent ces serveurs, monstres de consommation électrique.

L'entreprise estime participer à la sauvegarde de la planète. «Les halles peuvent sembler gigantesques, et cela demande beaucoup d'énergie, mais imaginez si tous ces gens essaient de communiquer autrement, en s'appelant, en s'envoyant des courriels et des photos», considère M. Kjellgren.

Facebook estime qu'un utilisateur ne consomme en moyenne chaque année que l'énergie équivalente aux calories contenues dans trois bananes.

Même Greenpeace, habitué à être très critique vis-à-vis des grandes entreprises, voit d'un bon oeil l'emplacement.

«L'une des raisons essentielles de choisir Lulea, c'était l'accès à une énergie renouvelable. Qu'une des plus grandes entreprises technologiques mondiales fasse ce choix envoie un signal positif», affirme la responsable climat et énergie de l'ONG en Suède, Martina Krüger.

Facebook a vu large, le site pouvant aller jusqu'à 12 halles de serveurs si nécessaire. Et Lulea, où deux nouvelles halles de serveurs doivent entrer en service mi-2014, a gagné avec les technologies une industrie prête à concurrencer la métallurgie, son activité traditionnelle.

Le quartier technologique, qui a attiré une centaine d'entreprises des télécoms et de l'informatique, a crû de 25% en 2012. Elles emploient 1100 personnes, presque autant que le sidérurgiste SSAB.

La communauté des affaires et la classe politique locale louent l'effet Facebook sur l'image de la ville et les retombées indirectes.

«Cela a créé 750 emplois dans le BTP depuis le début en 2011 et ça continue. En ce moment environ 200 personnes travaillent à l'installation», se félicite le président de la Chambre de commerce, Matz Engman.

Une fois la construction finie, il prédit, en plus des 50 à 100 salariés directs, 300 emplois indirects.

Les critiques relèvent que cela reste peu pour une ville de 46 000 habitants.

«On n'a pas encore vu d'effet important. L'incidence directe du premier bâtiment, c'est à peu près 100 emplois au total, et ils ne sont pas très qualifiés», d'après Hakan Ylinenpaa, professeur de management à l'université de Lulea, un autre grand employeur de la ville.