Entre le détecteur de mensonges robotisé du Washington Post, les infos sélectionnées par des experts et les conseils d'amis qui font de Serge le lama une vedette mondiale, les sites d'infos sont tiraillés: tri par des humains ou par des algorithmes ?

Plusieurs nouveaux sites en France ce mois-ci parient sur la sélection humaine, aussi appelée curation. C'est le cas de «L'Important», site de veille «100% Twitter» lancé mardi en partenariat avec Mediapart, qui choisit parmi les tweets du monde entier «ce qui éclaire et donne sens» avec une «approche humaine et non algorithmique de l'info». Une quinzaine de personnes jugeront pour le lecteur de ce qui est important.

Les sites purement éditoriaux relèvent du même principe. Ainsi «Contexte», le site que vient de lancer Jean-Christophe Boulanger, ex-dirigeant de la branche française du site d'informations européennes Euractiv. Journal des «politiques publiques françaises et européennes», il «décrypte la mécanique institutionnelle et les jeux des acteurs impliqués». De même, la nouvelle application payante du magazine Challenges, qui fournira quelques infos exclusives chaque jour.

Les deux sites que vient de racheter le holding Fimalac, Newsring et Youmag, font aussi le choix de l'humain. Newsring pousse les internautes à débattre, avec des discussions orchestrées par le site, et Youmag, «revue de presse personnalisée», propose des contenus sélectionnés par des journalistes.

Le choix est radicalement différent pour l'américain Buzzfeed, succès fulgurant du web mondial, qui a lancé la semaine dernière une partie en français, ou encore pour le français Melty, autre success-story : tous deux choisissent leurs contenus en fonction des sujets les plus consultés, détectés par algorithmes.

Chez Melty (69 salariés), les rédacteurs surveillent le classement des sujets les plus lus et commentés, repérés par un logiciel maison, et affiché en grand écran dans la rédaction. Ils produisent des articles les concernant, environ 300 à 400 par jour. Quant à Buzzfeed, il publie les articles les plus viraux.

Détecteur de mensonges

Autre tentative automatique, le Washington Post a lancé en septembre le «Truth Teller», système robotisé de «fact-checking» (vérification des faits), afin de détecter les erreurs ou mensonges des hommes politiques.

Présenté la semaine dernière aux Assises du Journalisme de Metz par sa responsable Cory Haïk, ce système vise à afficher en temps réel si une affirmation d'un homme politique est vraie ou fausse.

Pour y parvenir, a-t-elle expliqué, «les journalistes rentrent des informations vérifiées dans une base de données. Lorsqu'un homme politique prononce un discours, un logiciel le transcrit en texte, repère les affirmations et les compare aux données de la base, et une icône signale si elles sont vraies ou fausses», a commenté Cory Haïk. «Mais ce système reste encore binaire et ne vaut que par ce que les journalistes entrent dans la base», a-t-elle reconnu.

La curation et le classement algorithmique n'aboutissent pas aux mêmes résultats. «Sur des agrégateurs comme Yahoo News ou Google News, le classement est effectué selon des critères statistiques : les articles les plus lus, les plus «likés», les plus commentés.... ce qui risque de créer un effet d'entraînement et remonter des articles qui vont générer un mouvement d'émotion», a souligné Véronique Mesguich, auteure de «Net Recherche», guide de la recherche sur internet, dont la nouvelle édition paraît fin novembre (éd. De Boeck).

«Les algorithmes reflètent une sorte de 'vox populi' qui peut créer de faux buzz, amplifier de façon fictive une info classée en tête», souligne-t-elle. «Dans le cas de la curation manuelle, on a affaire à un filtre subjectif, avec évidemment encore plus de biais, mais la possibilité de faire émerger des articles moins +mainstream+ et parfois plus pointus», a-t-elle souligné.

Mais sur internet, de plus en plus de sujets émergent par une combinaison homme-machine. Ainsi pour le voyage en tram de Serge le lama, propulsé vedette mondiale du web : un tweet à Bordeaux, diffusé à 300 000 personnes, parvient à un journaliste de Sud-Ouest qui écrit un article, et l'affaire atterrit sur Buzzfeed, en anglais. Gloire planétaire assurée.