La nouvelle performance boursière du géant de l'internet Google met en lumière la capacité des réseaux sociaux, services et plateformes à monétiser les informations des internautes qui utilisent leurs services gratuits et dont les commentaires, avis et photos vont davantage être exploités.

Jeudi et vendredi, Google a affolé les compteurs de la Bourse: son action a dépassé la barre symbolique des 1000 dollars, au lendemain de résultats trimestriels supérieurs aux attentes.

Ces performances sont en grande partie dues à la publicité, première source de revenus du géant de l'internet. Afin de poursuivre sa croissance, dans une économie numérique où la recommandation et la prescription guident l'achat, Google fait évoluer son offre publicitaire.

Le 11 octobre, il a annoncé une évolution de ses conditions générales d'utilisation (CGU). À partir du 11 novembre, date où la mise à jour est prévue, Google pourra associer les photos de profil, les commentaires et les avis des utilisateurs à des publicités. Google appelle cela les «recommandations partagées» et ces recommandations pourront être monnayées auprès des annonceurs.

Concrètement, «si vous recherchez un restaurant italien via la recherche Google et si l'un de vos amis en a recommandé un à proximité de chez vous, une annonce contenant son avis peut vous être proposée», explique sur son site Google, qui, outre son moteur de recherche, offre une myriade de services gratuits (courriels, agenda, plans, réseau social Google+, YouTube, boutique d'application Google Play, etc.).

Google a d'ailleurs fusionné en mars 2012 une soixantaine de règles d'utilisation en une seule, regroupant ainsi les informations de ses services autrefois séparés.

«La publicité est tout en bas de l'échelle de prescription et la recommandation est tout en haut, car c'est un des facteurs qui influencent le plus les comportements. Là, on mélange les deux», décrypte Arthur Kannas, de l'agence de conseil en communication et marketing interactif Heaven.

«À l'avenir, on pourra vérifier l'efficacité de ce pouvoir de prescription car les gens décryptent, affinent leur jugement et peuvent ensuite prendre du recul», ajoute-t-il, rappelant que Facebook doit «sans cesse gérer l'équilibre entre ce qui est bon pour les annonceurs et les utilisateurs».

Inquiétude pour les libertés

Cette pratique était déjà employée par Facebook qui a reformulé début septembre ses conditions d'utilisation.

«Vous nous autorisez à utiliser vos noms, photo de profil, contenu et informations dans le cadre d'un contenu commercial», cela implique que «vous autorisez une entreprise ou une autre entité à nous rémunérer pour afficher votre nom et/ou la photo de votre profil avec votre contenu ou vos informations sans vous verser de dédommagement», écrit Facebook.

Cette «clarification», selon Facebook qui nie tout changement de politique, intervient après une décision de la justice américaine du 27 août le condamnant à verser 20 millions de dollars à un groupe de plaignants pour avoir utilisé les mentions «J'aime», les noms ou les portraits d'utilisateurs à des fins publicitaires.

Par ailleurs, six organisations de défense des libertés sur internet se sont inquiétées auprès des autorités américaines de sa volonté d'utiliser commercialement les données de ses utilisateurs sans leur consentement.

Tant Google que Facebook laissent la possibilité à ses utilisateurs de désactiver cette option cochée par défaut.

Pour Olivier Ertzscheid, maître de conférences à Nantes en sciences de l'information, «c'est la confirmation qu'il faut pousser toujours un peu plus loin les formats publicitaires, car le modèle économique actuel atteint ses limites», déclare-t-il à l'AFP.

Internet et les réseaux sociaux «viennent de réinventer l'homme-sandwich», écrit-il sur son blogue affordance.info.

Olivier Bomsel, économiste à l'école Mines-Paris-Tech, rappelle que la publicité et le bouche-à-oreille ont «toujours existé» pour financer des contenus ou services.

«Ce que permettent les systèmes actuels, c'est d'élever la finesse et la productivité des publicités et de nos réseaux», ajoute l'auteur de plusieurs ouvrages dont «Gratuit ! Du déploiement de l'économie numérique».