La justice américaine a fermé le site clandestin Silk Road, souvent présenté comme «l'eBay de la drogue» parce qu'il permettait à ses utilisateurs d'acheter des stupéfiants en ligne en échange de monnaie virtuelle, et a arrêté son propriétaire.

Ross William Ulbricht, 29 ans, propriétaire et «capitaine» de ce site de marché noir, a été arrêté mardi à San Francisco et devait être présenté mercredi devant un tribunal fédéral de cette ville, peut-on lire dans un document du ministère de la Justice.

Selon une copie de la plainte obtenue par l'AFP, le gouvernement a saisi l'équivalent de 3,6 millions de dollars en monnaie virtuelle «bitcoin», soit environ 26 000 bitcoins, «la plus grosse saisie de bitcoins jamais effectuée».

Le site Silk Road, que le ministère décrit comme «un vaste marché en ligne responsable de la distribution de centaines de kilos de drogues illégales et d'autres produits et services illicites», a été fermé. A son adresse, ses utilisateurs ne trouvent plus qu'une pancarte des autorités, annonçant: «Ce site caché a été saisi par le FBI».

Ulbricht faisait fonctionner depuis janvier 2011 ce site sur lequel les internautes pouvaient acquérir de l'héroïne, de la cocaïne, du LSD ou des métamphétamines, ainsi que des logiciels destinés à déverrouiller des ordinateurs personnels ou à voler des mots de passe. Dans 30% des cas résidents des États-Unis, les clients pouvaient aussi acheter des «services» de piratage de comptes Twitter, Facebook ou même des faux papiers.

Le parquet de New York estime en outre que le suspect a tenté en mars dernier de recruter quelqu'un pour abattre un utilisateur de Silk Road qui menaçait d'exposer les identités d'autres clients du site clandestin.

«Le site Silk Road a servi de vaste marché noir, où des drogues et services illicites étaient régulièrement achetés et vendus par ses utilisateurs», a renchéri l'agent spécial du FBI Christopher Tarbell, dans la plainte déposée devant un tribunal fédéral de New York.

Il était conçu pour «faciliter le commerce illicite» en assurant «l'anonymat à ses usagers» au moyen d'un routeur connu sous le nom de «The Onion Router» (TOR) qui «rendait presque impossible de localiser les ordinateurs hôtes», et en exigeant que toutes les transactions soient payées en monnaie virtuelle.

«Massif blanchiment d'argent»

Sur internet, la nouvelle de la fermeture du site s'est répandue comme une traînée de poudre, inquiétant les utilisateurs. «Je sais que nombre d'entre vous avez peur», écrit un internaute anonyme sur reddit.com.  «La plupart des clients n'ont probablement rien à craindre. Nous devons croire que toutes les preuves compromettantes sont gardées sous haute protection», poursuit cette personne, ajoutant: «Vendeurs, il est temps de faire le ménage. Détruisez tout ce qui est compromettant, nous vous avons fait confiance, maintenant assurez-vous que tout soit effacé».

«La fête est finie», ajoute-t-il, «pour 99,9% d'entre nous, les seules conséquences seront que nous aurons à chercher plus dur».

Un autre usager, sous le nom de Zthulu, avertit que le FBI a saisi 1,2 million de messages échangés sur le site par ses utilisateurs --un chiffre effectivement cité dans la plainte consultée par l'AFP: «Je doute sincèrement qu'ils essaient de trouver des acheteurs à travers ces messages mais les usagers doivent en être conscients».

Dans la plainte, le procureur fédéral de New York Preet Bharara souligne que le site était utilisé par «plusieurs milliers de dealers de drogue et autres vendeurs dans l'illégalité». Silk Road prenait une commission de 8 à 15% pour chaque transaction.

Ulbricht est soupçonné d'un «massif blanchiment d'argent» et doit aussi être inculpé de complot de violations des lois sur les stupéfiants et de piratage informatique. Selon l'accusation, en deux ans et demi, le site aurait généré des ventes de 1,2 milliard de dollars, pour un montant total de commission de 80 millions.

Le manège avait pu être découvert au moyen d'une surveillance en place depuis novembre 2011, plus de 100 agents travaillant sous couverture ordonnant des achats de drogue jusqu'à livraison. L'enquête a montré que la drogue, «d'une grande pureté», provenait de vendeurs résidant dans plus de dix pays européens, des États-Unis et du Canada.

Tor et Bitcoin, deux outils pour garantir l'anonymat sur internet

Les usagers du site clandestin Silk Road avaient recours à un logiciel d'encodage nommé «Tor» et payaient au moyen de «bitcoins», une monnaie virtuelle.

«Tor», un logiciel d'encodage

Le logiciel libre et gratuit «Tor» est une plateforme pour garantir l'anonymat sur internet, dont le nom originel «The Onion Router», d'où l'acronyme Tor, permet de superposer des couches de protection afin de ne pas être découvert.

Tor procède à l'encodage d'activités en ligne, comme des visites de sites internet ou des envois de messages, et expédie ces données à travers un réseau mondial de relais qui les épluche au fur et à mesure pour n'en garder que les couches infimes indispensables pour faire passer l'information sur le web.

Les membres de la communauté Tor mettent à disposition leurs ordinateurs pour fournir ces points de relais, et le résultat rend quasiment impossible la découverte des activités sur internet ainsi que la localisalisation des ordinateurs hôtes.

Les défenseurs de la vie privée estiment que le système Tor est un bon outil pour les internautes désireux de se protéger contre le commerce en ligne.

Le «Bitcoin», une monnaie virtuelle

Le «Bitcoin» est une devise virtuelle lancée en 2009 et échangée en ligne contre de l'argent réel ou utilisée pour acheter des biens et services sur internet.

Cette monnaie est de plus en plus utilisée lors de paiements dans des transactions en ligne, d'où le nom de «crypto-monnaie» qui lui a été attribué.

Les transactions sont réalisées sur des serveurs baptisés «mineurs de Bitcoin».

Il y aurait pour environ 1,5 milliard de dollars en Bitcoin sur le marché et cette monnaie virtuelle peut être transférée directement entre smartphones ou n'importe quel type d'ordinateurs, ce qui inquiète les régulateurs qui craignent que la devise ne soit utilisée pour des activités criminelles ou «terroristes».