Chaque attentat terroriste, perpétré ou déjoué, sert de prétexte aux services policiers et de renseignements pour renforcer leur emprise sur l'internet et les banques de données personnelles.

C'est ce qu'affirme Julian Assange, que La Presse a interviewé par téléphone dans le cadre du lancement de son essai Menace sur nos libertés, en librairie début mai.

Concepteur de WikiLeaks, Julian Assange est réfugié à l'ambassade de l'Équateur à Londres depuis bientôt un an. Il y a demandé et obtenu l'asile politique pour éviter son extradition en Suède, où il fait face à des accusations d'agression sexuelle qu'il dément.

Il craint que la Suède l'extrade à son tour vers les États-Unis, où il pourrait être accusé relativement aux fuites de documents sur les guerres en Afghanistan et en Irak.

Q - Les récents actes terroristes ne donnent-ils pas raison aux forces de l'ordre pour renforcer le contrôle de l'internet?

R - «Statistiquement pourtant, le nombre d'attentats terroristes diminue par rapport à il y a quelques années. Chaque attentat, chaque catastrophe sert de prétexte (« cover-up «) pour accroître la surveillance. On en a eu un bon exemple lors de la tempête Irene l'an dernier.»

Q - Les politiciens et les tribunaux ne sont-ils pas là pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'abus?

R - «Un attentat, c'est plutôt l'occasion de donner plus de pouvoirs aux services policiers ou de renseignement. La Chambre des représentants aux États-Unis vient d'adopter la loi CISPA (Cyber Intelligence Sharing and Protection Act), qui autorise des perquisitions des bases de données [sans mandat préalable]».

Q - N'y a-t-il pas des lois pour garantir les droits fondamentaux comme la liberté de communiquer, de circuler ou de commercer?

R - «Légiférer n'est pas la solution. Même si les droits existent, comment pouvons-nous nous assurer qu'ils sont respectés? Les services de renseignements travaillent dans l'ombre. Ils augmentent toujours la centralisation de l'information.»

Q - Alors, quelle serait la solution?

R - «Nous sommes à la croisée des chemins. Tout passe par l'éducation. Quand on a compris que les bactéries se propageaient dans les hôpitaux, on a amené les gens à se laver les mains et à porter des gants. Les gens doivent comprendre que l'internet est partout et que l'information qui y circule est transmise aux serveurs centraux localisés aux États-Unis.

«L'éducation politique est déjà avancée en Australie. Un sondage paru hier [la semaine dernière] montre que ma candidature aux élections sénatoriales du 14 septembre reçoit l'appui de 26% de la population.»