Il faut prouver que les algorithmes à la base du fonctionnement des sites internet sont moins importants pour eux que les données personnelles des internautes, ont expliqué mardi Nicolas Colin et Pierre Collin, auteurs d'un rapport français sur la fiscalisation du numérique, au Sénat.

Prouver cela donnerait du poids à leur souhait de taxer les entreprises de l'internet en fonction des données personnelles qu'elles utilisent.

«Est-ce normal de rémunérer l'algorithme avec 90% des bénéfices alors que sans les données personnelles des utilisateurs, cela ne vaut rien?», a indiqué Nicolas Colin devant la commission des Finances du Sénat.

Pierre Collin, conseiller d'État, et Nicolas Colin, inspecteur des Finances ont rendu vendredi au gouvernement un rapport d'expertise pour inciter les groupes internationaux qui «éludent ou minorent» leur imposition en France à contribuer à l'effort fiscal.

Ce rapport préconise en effet de taxer les entreprises de l'internet sur les données personnelles qu'elles collectent et exploitent.

Cependant, il ne s'agit pas «de taxer les flux de données pour eux-mêmes mais plutôt les comportements des entreprises en matière de collecte et d'exploitation des données», a expliqué M. Collin, faisant allusion au respect des libertés individuelles et au soutien à l'innovation.

L'idée principale du rapport est donc d'«instituer une fiscalité spécifique du type de la taxe générale sur les activités polluantes ou de la taxe carbone».

Au Sénat, Pierre Collin est allé encore plus loin en expliquant que ce sont les «prédateurs-payeurs, qui gardent les données personnelles pour eux-mêmes, sans transparence», qui devront payer le plus.

Par ailleurs, le rapport préconise d'utiliser cette nouvelle vision des données personnelles pour réformer la définition de l'établissement stable des entreprises aujourd'hui attaché au concret: bâtiments, outillages, employés, qui devra demain prendre en compte les actifs incorporels.

«Les données (personnelles) collectées et traitées sont représentatives de la valeur créée par les internautes français et captées par les grandes entreprises du numérique», et prouve que ces dernières ont une activité économique sur le territoire, selon le rapport.

«Le lieu où Google crée de la valeur, est-ce l'Irlande? Nous ne le pensons pas», a encore assuré M. Colin.

Et si les auteurs du rapport reconnaissent que réacquérir le pouvoir d'imposer ces entreprises internationales en France dépend de l'avancée des discussions au niveau européen et au sein de l'OCDE sur l'harmonisation fiscale, ils estiment que «réaliser des choses en France c'est une manière de faire valoir des idées à l'international».

«L'OCDE est en attente de propositions et on a une fenêtre d'opportunités notamment sur la question des actifs incorporels», a insisté M. Colin.