Le «paywall», cette formule de facturation par abonnement ou à la pièce qu'utilisent certains sites web, connaît un nouvel essor. Alors que les Nord-Américains continuent de troquer la lecture de journaux et de magazines imprimés pour celle de leur version numérique, cette formule n'a pourtant toujours pas fait ses preuves. Un nouvel élément pourrait toutefois changer la donne: la tablette numérique.

Ce matin, c'est au tour du site du quotidien Globe and Mail d'adopter une formule qui, ultimement, force ses visiteurs à s'abonner soit à l'imprimé, soit au contenu plus approfondi du site. Le Globe imite ainsi Postmedia, son rival anglophone qui facture la lecture de ses journaux en ligne aux internautes. Au Québec, les sites du Journal de Montréal et du Journal de Québec réservent depuis peu certaines chroniques à leurs abonnés, ce que fait Le Devoir depuis des années.

Ces publications canadiennes ne sont pas seules: le Pew Institute estimait il y a deux mois que 300 des 1400 quotidiens publiés aux États-Unis utilisent cette approche. Ça représente un peu plus de 20% des quotidiens nord-américains, une proportion qui croît à un rythme constant, malgré le succès plus que mitigé de cette approche.

Un maigre 3%

Car les internautes, eux, sont très peu intéressés. En général, les sites facturant leur consultation connaissent un taux de conversion de leurs visiteurs inférieur à 3%. C'est trop peu pour justifier une telle approche, observait récemment Jim Chisholm, analyste britannique réputé des médias imprimés et numériques. «Seulement trois quotidiens dans le monde ont un achalandage web suffisant pour soutenir ce modèle: le New York Times, le Guardian et le Washington Post», dit-il.

Alors, qu'est-ce qui fait soudainement bouger les éditeurs? Après tout, l'effritement du lectorat n'est pas un phénomène nouveau. L'internet menace l'imprimé depuis plus de 15 ans. Une étude réalisée en août dernier par ComScore suscite toutefois une lueur d'espoir. Son titre dit tout: «La tablette réinvente la relation entre les Américains et l'imprimé.»

«Comparativement aux ordinateurs personnels ou aux téléphones intelligents, les tablettes ont un format qui mène plus naturellement à la lecture soutenue de contenu plus approfondi. En fait, la tablette est un média relativement naissant, mais elle représente déjà 7% des pages lues sur le site web des grands quotidiens aux États-Unis», analyse Mark Donovan, vice-président à la mobilité de l'agence américaine.

La tablette et les journaux

Chez nos voisins du Sud, 11,5% des propriétaires d'une tablette Android, d'un iPad, ou d'une liseuse comme les Kindle et Nook, respectivement d'Amazon et de Barnes&Noble, affirment consulter leur journal chaque jour. En fait, ils consultent son site web, ou une application pour tablette donnant accès à son contenu en ligne.

Au total, plus de 40% des répondants possédant une tablette consultent la version en ligne de journaux et de magazines de façon régulière chaque mois. Bonne nouvelle pour les gestionnaires de sites web, leurs visiteurs plus réguliers sont aussi les moins âgés: les 25-34 ans sont les plus avides lecteurs de contenu en ligne à partir d'une tablette, suivis des 35-44 ans.

Pas pour rien si les éditeurs bougent. «Ils ont compris que les tablettes provoquent un changement unique dans la consommation d'information et ceux qui se positionnent présentement en fonction de cette nouvelle dynamique ne vont pas seulement conserver leur lectorat actuel: ils risquent aussi d'attirer plus de clients et de revenus», conclut M. Donovan.

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