Vous ne le saviez peut-être pas, mais dans une vie antérieure, vous étiez le gardien d'un secret si important qu'une agence internationale tente aujourd'hui de retrouver votre trace afin de vous tirer les vers du nez. C'est ce que raconte Millenium Hunt, roman dont vos amis Facebook et vous êtes, en quelque sorte, les héros.

La littérature et les médias sociaux ne font pas toujours bon ménage. Rares sont les romans grand public (hors science-fiction) qui insèrent dans leur trame un passage où le héros doit «googler» une expression afin de faire avancer l'intrigue. Ça commence à changer: l'an dernier, le magazine Lire, en France, a fait de La vie très privée de Mr Sim, de l'auteur britannique Jonathan Coe, son roman étranger de l'année. Son personnage principal, Maxwell Sim, est un adepte avoué du texto et de Facebook.

Des auteurs plus audacieux poussent ce métissage plus loin encore. Dans Millenium Hunt, Régis Geoffrion, rescapé de l'industrie québécoise du jeu vidéo, altère quelque peu le scénario selon les données accessibles sur le compte Facebook du lecteur: le nom de certains personnages et certains autres pans de l'histoire sont adaptés à ses préférences et à son réseau d'amis.

Quiconque veut se prêter au jeu peut visiter le site de Millenium Hunt (milleniumhunt.com) et lire les 10 premiers chapitres (en anglais). La suite, constituée d'une cinquantaine de chapitres au total, coûte 5$.

«Je cherchais à rendre la lecture plus immersive. En me fiant à mon expérience dans le jeu vidéo, j'ai songé à intégrer les médias sociaux et la messagerie texte. Selon ce que je reçois comme commentaires des lecteurs, la majeure partie d'entre eux semble apprécier cette inclusion dans l'histoire», constate M. Geoffrion, dont c'est la première oeuvre écrite, mais qui prévoit déjà en faire une trilogie.

L'édition à compte d'auteur relancée par le numérique?

Dans les milieux littéraires, l'édition à compte d'auteur fait généralement sourire: si vous ne pouvez convaincre un éditeur de vous publier, bonne chance avec les éventuels lecteurs! Ça n'empêche pas des plumes bien connues de chatouiller le numérique: le roman épistolaire de Marie Laberge, Des nouvelles de Martha, en est un exemple.

Les librairies virtuelles, comme celles d'Amazon, d'Apple et de Kobo, en profitent tant et si bien qu'elles offrent à tous des outils de création de livres numériques, publiables en quelques clics seulement. «Les gens peuvent venir publier ce qu'ils veulent. À la limite, ça pourrait être l'album photo d'un couple qui souhaiterait amortir les coûts de sa cérémonie de mariage», illustre un porte-parole d'Apple.

Voilà un coup dur pour l'ego de nombreux auteurs professionnels. Il faut toutefois être de son temps: entre l'ancestrale machine à écrire Underwood et une page Facebook, pas difficile d'imaginer ce qui attire davantage les jeunes internautes et futurs auteurs québécois!

Pour joindre notre journaliste : alain.mckenna@lapresse.ca