Précurseur de l'ère internet et familier de millions de Français, le Minitel, simple terminal cubique donnant accès au vidéotexte qui était livré gratuitement avec le téléphone, va mourir de sa belle mort le 30 juin, 30 ans après son lancement commercial.

Avec l'explosion des usages du web, accessible aujourd'hui sur les mobiles, les services de consultation qui permettaient d'accéder à l'annuaire téléphonique, s'inscrire à l'université, acheter par correspondance ou consulter des messageries «roses» vont définitivement s'arrêter.

Fin 2011, il ne restait plus que 600 000 à 700 000 terminaux en circulation, selon l'opérateur France Télécom, loin des neuf millions encore présents dans les foyers et les entreprises hexagonales il y a dix ans, et il y aurait encore 420 000 usagers jusqu'au-boutistes.

L'aventure du Minitel a commencé dans les années 70 dans les laboratoires de la direction générale des télécommunications, société publique ancêtre de France Télécom. Ils mettent en place à l'époque une nouvelle norme réseau de vidéotexte, au moment où le gouvernement français décide la mise en place d'une expérimentation sur l'annuaire électronique.

Le rôle des pouvoirs publics a été primordial dans son succès: l'État a soutenu le projet dans les premières années en distribuant gratuitement les terminaux, permettant un déploiement en masse suffisant pour lancer le marché alors inédit des services télématiques.

Avec le temps se crée un écosystème de fournisseurs de contenus qui viendront ajouter une multitude de services, messageries, bases de données ou jeux, à l'annuaire, première utilisation du Minitel. Il était possible d'acheter un billet de train ou d'avion, de passer des commandes sur les sites de vente par correspondance, de consulter les résultats d'un examen, ou encore de se connecter à un site de rencontres, le très couru «Minitel rose».

La rentabilité sera atteinte au début des années 1990. À son apogée, en 1996, le Minitel recensait plus de 10.000 fournisseurs de contenus pour 26 000 services actifs. Le chiffre d'affaires, qui a culminé à un milliard d'euros, est tombé en 2010 à 30 millions d'euros.

L'arrêt définitif du système n'est pas uniquement dû à la désaffection du grand public, mais correspond aussi à des impératifs techniques liés à l'arrêt du réseau supportant le système du Minitel et qui est arrivé en phase «d'obsolescence», souligne-t-on.

Les derniers usagers vont maintenant devoir s'adapter à l'ordinateur ou à la tablette, ce que regrette Solange Gieux, 52 ans, gestionnaire d'une ferme d'élevages à Vitré (ouest de la France).

Le Minitel était «très simple à utiliser et très peu onéreux. C'est dommage qu'on nous enlève un outil comme ça, je ne comprends pas», soupire-t-elle, alors que l'ordinateur est «trop compliqué».

Les adeptes des messageries roses l'appréciaient aussi «parce qu'il n'y a pas d'intrusion sur le Minitel, le réseau est bien sécurisé», explique Gorges Gallet, animateur d'une association de recherches historiques sur les télécommunications.

Bernard Marti, 69 ans, un des pères fondateurs du Minitel, comprend l'attitude des nostalgiques: «ce sont des gens qui n'ont pas envie d'être harcelés par des messages commerciaux, qui veulent préserver leur vie privée, leur anonymat», relève-t-il

Pour autant, les derniers utilisateurs ne sont pas tous de simples nostalgiques. Certains, comme les personnes habitant des zones très reculées dites «blanches» donc non couvertes par l'ADSL, n'avaient jusqu'ici pas d'autres moyens pour accéder à certains services.

Chez France Télécom, on reste fier de ce qui fut un «fleuron» français, et on n'a qu'un seul regret, ne pas avoir eu la capacité à rendre le modèle international, même si le Minitel a influencé certaines technologies utilisées aujourd'hui.