Les bouchons de circulation sont d'une redoutable efficacité quand vient le temps de tester la patience des gens. Celle de milliers d'automobilistes a été mise à rude épreuve, hier matin, quand le pont Champlain a été bloqué par une manifestation étudiante.

Dans le lot se trouvait le maire haut en couleur de Huntingdon, Stéphane Gendron. De sa voiture, il a exprimé son mécontentement.

«Les tabarnaks d'étudiants. Les criss, ça va finir dans le sang un moment donné. Ils ne cessent de provoquer... Câlisse on veut aller travailler bande d'esties de puants sales. La bastonnade, c'est pour quand?», a-t-il écrit sur sa page Facebook.

Ses propos ont rapidement été relayés sur les réseaux sociaux. Certains ont appelé le maire au calme et déploré son agressivité, d'autres l'ont félicité et en ont rajouté.

Joint par La Presse, celui qui se dit en faveur de la hausse des droits de scolarité n'a pas renié ses propos. «Moi, je suis monsieur et madame Tout-le-Monde quand je suis dans mon char. Je ne suis pas fait en bois. Ces gens-là se plaignent le ventre plein!», a-t-il déclaré.

Stéphane Gendron n'a pas le monopole des coups de gueule sur le web. La grève étudiante des dernières semaines montre de nouveau qu'il s'agit d'un lieu vers lequel on se tourne naturellement pour débattre et s'indigner.

C'est également un bouchon de circulation causé par une manifestation étudiante à la fin du mois de février qui a convaincu Matthieu Bonin de déverser son fiel sur YouTube. En des termes que Stéphane Gendron n'aurait peut-être pas reniés et en multipliant les sacres, il a accusé les étudiants de s'en prendre aux mauvaises cibles en bloquant la circulation.

Son discours a visiblement touché une corde sensible. La vidéo intitulée «Les osti d'manifestations» a été vue plus de 235 000 fois sur YouTube.

«Je l'ai fait pour donner l'envers de la médaille, pour donner une opinion qui est partagée par la population qui est impliquée malgré elle», explique le jeune homme de 22 ans d'un ton posé qui contraste avec sa virulence sur le web.

Étudiant à l'École nationale de l'humour, Matthieu Bonin affirme que son ton hargneux lui a valu «trois ou quatre menaces de mort». Mais il ne regrette pas d'avoir utilisé son ordinateur pour faire valoir son point de vue ou «péter sa coche», selon ses propres dires.

«J'aurais pu envoyer une lettre à mon journal local et être lu par 2000 personnes, mais je considère que le web est le média le plus efficace pour transmettre un message», dit-il.

Une efficacité sur laquelle misent les grévistes. À la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), Julien Royal a pris le rôle de responsable des réseaux sociaux. Il relaie les blogues, photos ou vidéos diffusés par les étudiants et cégépiens et tente de s'assurer qu'ils soient vus.

«L'information voyage très vite et l'internet permet de mobiliser des gens qui ne seraient pas mobilisés autrement. C'est un moyen de connecter les gens entre eux, de mobiliser les étudiants autour de certaines idées», explique-t-il.

Il compare les réseaux sociaux au «parvis de l'église des temps modernes». «Bien sûr, ça a aussi des travers. Les discussions sont parfois houleuses et on voit des déclarations à l'emporte-pièce. Mais je considère que c'est un outil qui sert davantage à rassembler les gens qu'à les diviser», conclut-il.

- Avec la collaboration de David Santerre