À peine Facebook s'apprête-t-il à entrer en Bourse, que déjà la relève se prépare. À 25 ans, David Karp a fondé Tumblr, un site valorisé 800 millions de dollars sans en avoir rapporté un seul, et qu'il espère voir ringardiser le roi des réseaux sociaux.

Des jeunes prodiges de l'internet devenus patrons, David Karp a déjà adopté le verbe. Son site, un outil entre blogue et réseau social, est «super», ses équipes «incroyables», et les défis relevés, forcément «excitants».

À première vue, Tumblr n'a rien de révolutionnaire. Comme un blogue, on y publie en un clin d'oeil photos et vidéos, et comme un réseau social, on y «suit» les publications de ses connaissances pour les «republier» sur son propre espace.

Mais la formule est un succès, avec 42 millions de blogues et 16 milliards de billets publiés, dont des célébrités, de Lady Gaga au blogue de campagne de Barack Obama, des artistes et d'innombrables adolescents et geeks, les mordus de nouvelles technologies.

«Rêver de quelque chose et le donner à des millions de personnes, putain! je ne peux pas imaginer quelque chose de plus fou», s'exclame David Karp.

Dix ans après l'éclatement de la première bulle des premières start-ups, et sans plan clair pour dégager des profits, David Karp a pu lever en septembre 85 millions de dollars, valorisant le site 800 à millions de dollars.

«Les investisseurs ont fait beaucoup pour que nous n'ayons pas à nous préoccuper de notre chiffre d'affaires», confie-t-il à l'AFP, en marge de la conférence DLD de Munich rassemblant le gratin du web mondial.

«Tant que nous sommes capables de créer un produit convaincant et de le faire croître, nous avons de la marge pour expérimenter».

Alors que les icônes de la première génération web ont revêtu le costume d'hommes d'affaires -Facebook, la création de Mark Zuckerberg va entrer en Bourse, et Larry Page, l'un des fondateurs de Google, est devenu richissime- David Karp, visage adolescent et sweat à capuche, veut incarner la relève.

«Aujourd'hui, ce sont Google et Yahoo qui doivent fermer des services, et c'est Twitter, Foursquare (réseau social basé sur la localisation par téléphone) et Tumblr qui marchent à fond», dit-il.

Il souhaite aussi que Tumblr, qui permet des publications plus longues que Twitter, puisse comme lui contribuer au Printemps arabe, «à la reconstruction qui vient après les révolutions».

«La génération qui a grandi avec internet montre que son monde est différent, et qu'elle contrôle les gouvernements», veut croire ce New Yorkais à la ligne de modèle -il a été choisi par la griffe japonaise de prêt-à-porter Uniqlo pour la campagne de lancement de son grand magasin de New York- dont la frange tombe juste au-dessus de ses yeux clairs.

Selon Michael Acton Smith, créateur de plusieurs start-ups, dont le réseau social pour enfants Moshi Monsters, David Karp est «humble et amical», un gamin «qui dans les années 1960 ou 1970 aurait quitté l'école pour créer un groupe de rock, et aujourd'hui monte son entreprise».

«Je m'ennuyais tellement en classe que mes parents m'ont suggéré d'arrêter l'école» à 15 ans, se souvient-il. Il se lance alors sans diplôme dans la programmation informatique, comme stagiaire puis consultant indépendant.

«Je dois beaucoup à mes parents», reconnaît-il. Sa mère est prof et son père musicien, une «sorte de savant fou passionné d'ordinateurs» dont le studio d'enregistrement, bricolé à la maison, a abrité ses premiers émois informatiques.

Outre Tumblr, David partage son coeur entre sa copine, avec laquelle il a emménagé, Clark leur chien, et New York, qu'il parcourt en Vespa le week-end.

Selon la presse locale, il a acheté récemment pour 1,6 million de dollars un loft en duplex de 160 mètres carrés à Williamsburg, quartier branché de Brooklyn.

Le triomphe modeste, il décrit sa vie comme «simple»: «je travaille beaucoup, jusqu'à 19h ou 20h, je rentre à la maison, je me détends avec ma petite famille, et je file me coucher», dit-il.

Pour rien au monde, il ne troquerait sa ville natale pour le soleil de la Silicon Valley, disant redouter notamment «la compétition» qui y règne entre jeunes entrepreneurs.