L'annonce par Twitter de la possibilité de bloquer des messages dans certains pays si la législation l'exige, «est une mauvaise nouvelle pour la liberté d'expression en ligne» et une forme de «collaboration avec les censeurs», a estimé vendredi Reporters sans Frontières.

Le site de microblogues a annoncé jeudi soir que certains gazouillis pourront être bloqués dans certains pays mais pas dans d'autres, alors que jusqu'à présent les messages bloqués l'étaient dans le monde entier. Il n'a cependant pas dévoilé les moyens qu'il usera pour procéder en ce sens.

Twitter argue de sa progression à l'international, évoquant le fait que certains pays «ont diverses positions sur la liberté d'expression», probablement une allusion à la Chine, un des pays où Twitter est encore inaccessible et où règne son concurrent local Weibo.

Contactée par l'AFP, l'organisation de défense des journalistes RSF a fait part de sa «très grande inquiétude concernant cette décision, une mauvaise nouvelle pour la liberté d'expression en ligne».

«Twitter est un moyen de communication important, on a notamment vu le rôle joué par les réseaux sociaux lors des révolutions arabes», a déclaré Lucie Morillon, responsable du bureau Nouveaux médias.

«Cette décision de s'adapter aux législations locales sur les questions de liberté d'expression ne signifie pas simplement une adaptation culturelle mais cela veut dire que Twitter va collaborer avec les censeurs, et finalement les aider à empêcher des informations critiques sur le gouvernement ou des dénonciations de corruption», selon elle.

Reste à savoir comment Twitter va procéder: «va-t-il attendre une injonction de la justice ? Est-ce qu'un simple coup de fil, comme cela s'est longtemps passé en Chine, du commissariat de police local suffira à enlever un message ? Est-ce que cela fonctionnera par mots-clé interdits?», se demande RSF.

«Cela fait des années que la Chine fait signer des pactes d'auto-censure aux entreprises étrangères qui veulent opérer sur son sol, donc finalement Twitter se soumet finalement à ce pacte», a résumé Mme Morillon.

«Google, Yahoo et Microsoft font aussi du filtrage sélectif dans certains pays, et Twitter ne fait donc que s'aligner pour pouvoir s'installer sur certains marchés comme la Chine», a pour sa part estimé Olivier Ertscheid, universitaire spécialiste de l'internet et maître de conférences à Nantes.

«Pour ouvrir google.cn, Google a dû accepter les exigences du gouvernement chinois comme accepter par exemple, de ne pas afficher de liens ou de résultats quand on tape le nom d'un dissident, ou quand on tape Tian'anmen de ne pas afficher de photos d'étudiants devant les chars», indique-t-il.

«Cette décision est un exemple de plus qu'on ne peut pas faire confiance à des acteurs centralisés, qui plus est situés aux États-Unis, pour protéger nos libertés fondamentales», a de son côté réagi Jérémie Zimmermann, responsable de l'association la Quadrature du net.