Les jeunes se protègent souvent mieux que les adultes des dangers de la toile, mais peinent parfois à mesurer la gravité de leurs actes sur le net, selon des spécialistes.

Lorsque l'on évoque les dangers qui guettent les jeunes sur internet, celui de la prédation sexuelle vient immédiatement à l'esprit, les mineurs semblant des proies plus faciles.

Mais si «le phénomène de la mauvaise rencontre sur internet existe toujours», «ce n'est pas la problématique majeure», explique Yann Padova, secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

«L'enjeu semble être désormais le mauvais usage que les jeunes font d'internet», assure l'expert, qui participe mardi à un colloque de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) sur les relations entre les jeunes et internet.

L'explosion des réseaux sociaux comme Facebook, passé de 3 millions d'utilisateurs en 2008 à près de 22 millions en 2011 en France, a de facto entraîné une multiplication d'échanges et de pratiques. Paradoxalement, les jeunes sont plus sensibilisés que la moyenne de la population sur la nécessité de se protéger.

«Les jeunes sont plus sensibles aux risques encourus. On a récemment fait un sondage et nous avons observé par exemple que 30% des 15-17 ans différencient l'accès aux infos qu'ils publient sur internet (ndlr: entre ce qu'ils rendent ou pas accessibles à tous), contre 19% en moyenne», assure Yann Padova.

Ces comportements s'expliquent par le fait que la nouvelle génération a été bercée par internet, et a bénéficié d'un travail de prévention de fond effectué en grande partie par l'Éducation nationale. Le risque semble s'être déplacé sur les agissements des jeunes sur la toile.

«Aucune conscience des conséquences»

«On néglige souvent la côte auteur de délits pour les mineurs sur internet», souligne Pierre-Yves Lebeau, chef de projet à l'Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l'Information (OCLCTIC).

Ce policier de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) relève surtout un manque flagrant de connaissance des jeunes sur ce qu'ils n'ont pas le droit de faire sur la toile.

«On rencontre des jeunes qui n'ont aucune conscience des conséquences de leurs actes, de ce qu'ils postent», explique Pierre-Yves Lebeau. «Parfois les mineurs aiment bien se faire peur et sur internet c'est très facile de trouver des images et de les montrer à ses camarades. Sauf que c'est interdit», rappelle-t-il.

La plupart des infractions relevées pour les mineurs sont l'incitation à la haine raciale, les fausses alertes de violences et la diffusion d'images pédo-pornographiques, assure un enquêteur.

«Il y a effectivement des risques comme le cyberharcèlement ou la cybervengeance, qui recoupe un sentiment d'impunité plus large dans notre société», corrobore M. Padova.

Des affaires de professeurs harcelés par leurs élèves sur internet, de jeunes insultés par leurs camarades sur la toile, ou bien ceux dont les photos dénudées se retrouvent sur certains réseaux sociaux, sont monnaie courante.

«L'outil législatif est pourtant quasiment complet à une exception près: les entreprises qui hébergent des contenus problématiques ne sont pas en Europe», souligne M. Padova.

«Mais il n'y a pas plus de danger sur internet que dans la vie réelle. Les principaux problèmes rencontrés par les jeunes sont dans la rue», rappelle toutefois Pierre-Yves Lebeau.